lundi 20 avril 2009

Leonard Cohen forever


Il y a des mots qu’on écrit avec des larmes étouffées. Ceux que je veux dédier au géant canadien Leonard Cohen sont imbibés de nostalgie. En tant qu’ex soixante-huitard non repenti, je ne puis que saluer l’endurance de ce battant poétique « jusqu’à la dernière battue » comme dirait notre ami Ferré. A 75 ans , Leonard recommence une autre vie. Après le mortuaire Hallelujah on avait cru qu’il s’apprêtait au grand départ mais voila qu’il nous surprend avec autant de jeunesse d’esprit et de vitalité à travers le tube « Democracy ».
Longue vie à Leonard !
Si le destin m’amènerait un jour au Canada je me ferais un plaisir immense de rencontrer ce chanteur singulier.
RAZAK
YOUTUBE : URL
http://www.youtube.com/watch?v=gHoOTXEfUNo

Khatibi : Hommage


KHATIBI: ETRE L’UNIQUE ET LE DOUBLE
En littérature élitiste, rares sont les plumes qui font de la narration une tentation plaisante, à la mesure du sujet tentant, et dont tout effleurement légèrement abstraitisant n’apporte en conséquence qu’euphorie et joie de la chose narrée. En effet, Khatibi fait partie de cette race illuminée qui jouit de ses dépaysements (sujet/retrouvaille). Il est surtout un de ces rares fous de raison dont le seul souci est de voir une langue s’émanciper. Dans son roman « Amour bilingue», le « il » khatibien incarnant la troisième personne d’absence, nous fascine du fait qu’il renferme plus qu’une seule euphorie. En fait, il en est le pulvérisateur, puisque ce « il » est d’abord immatériel et pas forcement impersonnel, ensuite il est surtout un « il » quelconque doué de beaucoup de mouvances prosaïques. L’épithète de l’habileté de Khatibi tient à ce désir fervent de vouloir mener à bien, son jeu de contrastes avec poétisation discrète, sinon timide puisque non déclarée en préambule.
Dans « Ichq Al Lissaneine» ou encore «Amour bilingue» Khatibi le tout singulier vit la rencontre «Khatibi-Kalima» comme une permanence qui ne cesse de créer en lui d’interminables attractions, dont les plus indéchiffrables et les plus intelligibles aussi, demeurent celles qui se réfèrent à son caractère le moins prétentieux et sans doute à son excès de poésie. Il s’en touche le premier par connivence et il s’y baigne le second par convivialité, avant d’insérer le tout -toute magie comprise- en simulacre, au milieu de deux langues, donc de deux flux, dont le plus possessif est par définition le plus attractif sans commune mesure.
Ce «il» , suivi dans ses métamorphoses narratives, est un témoin par excellence à une gestation de l’inachevé : un cri dérisoire aussi, car il évoque des séquences inoubliables du verbe , aimant-désaimant une gloire littéraire aspirant à une « grâce lumineuse » bellement esquissée dans le récit , précédé de toutes sortes de luxuriances romanesques. Ainsi, les évoque-t-il avec beaucoup d’entrain qui fait « palpiter les gestes » par vibration jusqu’à la scansion verbeuse, pour que tout calcul d’identité soit renvoyé pour plus tard , sinon réservé aux profondeurs du pensé au détriment de l’impensé et non aux vocables qui le servent .
Khatibi nous décrit le verbe langagier, mu de stance en stance, voué d’une vraisemblance bilingue dépaysée à son tour de scansion en scansion, jusqu’à la transe même de l’acheminement où l’extase est à observer comme un carrefour de retrouvailles exotiques de phonèmes à sonorité parfois inconsciente (ou trop consciente) où l’on puise à l’indicible, la Kalima cette fois vêtue de toutes fantasmagories obsédantes. Laquelle se dénude et s’expose au regard érogène. Dire qu’elle se prend pour une idée vierge, à caresser étrangement, par un rayon de soleil aimant, dont la seule virilité qu' il a est la tiédeur de la lecture savante de son charme.
« Amour bilingue » est un concubinage entre deux langues, et comme il a eu chez Khatibi, il a été célébré à sa manière. On ne saurait pasticher sur ses étreintes, car il y a là un passé sidéral, comme il y a quelque chose de purement khatibien. On le voit et on le sent d’une nature errante et insatiable.
Dans « Amour bilingue», comme dans la vie d’ailleurs, il y a des passe-temps enviables. Chez Khatibi, ça s‘appelle « s’amuser avec des paraboles ». Paraboles de la vie, toutefois traduisibles sous le signe de la transparence d’être et de l’indifférence envers son vécu. On rit ou on rit pas, comme on vit ou on vit pas. Telle est l’équation bilingue du « Moi » errant et disloqué. La « joie vacillante » à laquelle ce dernier se donne à moitié, est de même ordre d’étrangeté que cette duplicité qui assaille. J’allais dire de même gravité, puisque toute désinvolture de la Kalima adverbiale, chancelante de nonchalance spirituelle, mène à l’aphonie. Ainsi, les décombres que cette dernière se voit faire, pèsent sur l’actuel de ses acquis, jusqu’au probable effacement d’identité. Cependant, l’anéantissement n‘a pas eu cours. D’où la possibilité de se reconquérir et de s’identifier de nouveau. Le timbre déficient et dévastateur en est éclatant : lettre usée. Cette dernière se nourrit d’extravagance et d’invalidité.
Enfin, comme est tenté comme Khatibi, cet explorateur du monde invisible, sans reproche scrupuleux que de s’être trop donné au pouvoir du mot magique sans en être assouvi, de s’interroger (en vue d’une clarté obscène) de la manière suivante : à quelle immunité intellectuelle près, à quel dessein devrait-on laisser primer le contenant sur le contenu ? Etre entier, être sans scission, être l’unique et le double, en matière de langue intérieure, ne nous rappelle-t-il pas la démesure de l’ambivalence du vouloir hésitant entre être et ne pas être, dont la seule hantise se nomme : « folie des lumières » ?
RAZAK
(Texte écrit en 1983)