samedi 20 novembre 2010

Roman: Boumanjel le gaucher (un autre extrait)

« Une fois tous les chapitres du volumineux bouquin furent contés, Saleh, avait remarqué que le conteur revenait aux premiers épisodes. Il abandonna ce petit forum de littérature populaire et s’en alla à la Halqua qui faisait du sol poussiéreux un ring.
-Pourquoi ne pas essayer? La boxe est après tout, un sport d’hommes courageux, s’était-il demandé avec enthousiasme.
L’animateur de la Halqua lui avait enfilé une paire de gants, tout rapiécés et demanda aux badauds rassemblés en cercle:
-Qui veut affronter ce champion?
Un gars plus âgé et plus robuste que Saleh leva sa main. Le maître de la Halqua lui avait dit:
-Avance mon gaillard.
Il demanda aux spectateurs d’applaudir. Il lui avait mis les gants en nouant les ficelles. Mais avant de donner le signal avec son sifflet, il rappela aux deux amateurs de boxe, les principes de jeu:
-Pas de coups en dessous de la ceinture, s’il vous plait.
On devinait aisément pourquoi, il insistait là-dessus. Dans cette région du corps, se trouvait l’organe le plus précieux, pour la reproduction génétique.
Dès le premier round, Saleh cogna son adversaire. Il était gaucher et rapide. Heureusement, les gants étaient bourrés de matière mole, pour amortir les coups. A mains nues, il aurait assommé son adversaire. Saleh ne savait pas, que c’était un jeu amical de divertissement et non pas un duel. Il avait tout de même, le privilège d’y apporter un peu de vérité, avec ce coup sortant du contexte ludique habituel.
-La boxe théâtralisée, est faite pour les femmelettes, en concluait-il.
S’il avait été né en Italie ou en Amérique du Nord, il aurait été inscrit dans un club de boxe. Au fil des compétitions, on l’aurait trouvé, sur un ring fumeux, affrontant une de ces grosses pointures comme Jake La Motta ou Rocky Marciano. Ces deux boxeurs de grande classe, firent ravage à cette époque. Si Marcel Cerdan, ce boxeur futé, né quelques années avant lui à Sidi Bel Abbas et qui vécut pendant des années à Casablanca avait vu ce gaucher qui frappait avec la vitesse de l’éclair, il lui aurait conseillé, de faire de la boxe professionnelle. Marcel Cerdan le légionnaire qu’on surnommait mystérieusement «le bombardier marocain» aurait fait avec le maquisard de Lagfaf, un duo d'enfer. Peut-être la destinée de Saleh aurait-elle pris un autre cheminement, que celui qu’il avait pris, à l’âge adulte: le chemin épineux du maquis et de la guérilla urbaine. Il avait les dons innés pour la boxe, mais cela nécessitait un perfectionnement. Ses coups de poings bruts avaient besoin d’être stylisés. L’art de la boxe avait ses propres canons et règles spécifiques. Parfois, le plus artiste gagnait le plus rouste. On en avait vu de beaux spécimens.»


Extrait du roman inédit Boumanjel le gaucher
Chapitre-III. Auteur: RAZAK