Assassinat pictural
Ils étaient neuf leaders mondiaux à être fusillés virtuellement par Gil Vicente, un peintre brésilien qui, ayant apparemment marre de dessiner n’importe quoi et pour n’importe qui, veut passer aux choses sérieuses. Il s’auto portraiture entrain de flinguer, à bout portant, ou d’égorger, avec un couteau acéré, des personnalités influentes du monde politique et religieux. Neuf en tout. Il en est le dénominateur commun. Un acte prémédité, et ce n’est pas l’alibi qui manque. Il est aussi net que l’épaisseur du trait. Dans cette tuerie picturale (je dirais graphique pour être précis) la véritable arme du crime n’est pas le pistolet ou le couteau que la lame que le peintre tient dans sa main, mais le fusain ou la mine de charbon avec laquelle il peaufine les silhouettes. Dans son atelier (je présume qu’il en a un de plus vaste, d’après les dimensions de ses toiles) ce justicier des arts plastiques, qui n’a rien d’un illuminé théologisé à outrance, se plait à torturer picturalement ses victimes, pour ce qu’ils ont fait. Il ne sait pas qu’en procédant de la sorte, il les immortalise, à son insu.
Gil Vicente ne fait pas de la caricature. Les dimensions anatomiques ont été respectées comme un bon élève de De Vinci pour donner en fin d’exercice une allure réaliste. Il n’y a pas de satire. Sans doute le dessinateur voulait-il éviter la voie qu’avait prise l’aventurier danois. Gil voulait prendre sa revanche sur ces dirigeants dont certains, il est vrai, se sont avérés de véritables criminels de guerre, puisqu’ils ont causé beaucoup de tort à la race humaine. Du coup, le peintre pacifique qui ne pouvait pas faire de mal même à une mouche devient un serial killer d’un genre nouveau. Et rassurez-vous, il n’est ni un fou, ni un givré. Il est conscient de l’acte artistique qu’il a commis. La preuve, il a choisi ses victimes scrupuleusement: sept présidents, un pape et un ex-secrétaire de l’ONU. Ce choix n’est pas fortuit. Il a oublié le grand espiègle barbu qui a affolé les barbouzes américains et les agents futés de la Scotland yard. Il a oublié les gros banquiers qui dictent et imposent au tiers-monde leurs desiderata. Leur réserverait-il un sort pictural bien plus retentissant?
Cet assassinat pictural commis par un artiste obnubilé par les dérapages du monde politique est le premier du genre. La Biennale de Sao Paulo en expose les preuves non pas par dénonciation ou par complicité mais par désir de montrer aux brésiliens de quoi un de leurs compatriotes était capable. Dans cette tuerie propre où il n’y a ni effusion de sang, ni cadavres à autopsier, Gil Vicente veut se venger de ceux qui, au faite de le hiérarchie administrative, commettrent dans l’impunité de graves erreurs portant préjudice à autrui. Le châtiment qu’il leur réserve est purement plastique et homothétiquement dosé selon chaque cas. Sharon le plus notoire entre tous est traîné par terre. Dans de tels traitements, on pourrait dire que l’artiste qui voulait châtier les politiques arrogants était généreux et magnanime.
La biennale de Sao Paulo est, depuis le jour inaugural, sur le devant de la scène artistique et politique. Les oeuvres graphiques de ce artiste en colère ont atteint le but visé, à savoir: créer la polémique pour faire écouler la marchandise. Depuis «l’urinoir» de Marcel Duchamp, on n’a pas vu d’aussi résigné et provocateur comme acte prémedité. Et comme à l’accoutumée, ce sont les prétendus puristes qui, faisant montre d’un puritanisme douteux, réagissent les premiers. Quitte à endosser le burnous de l’iconoclaste endurci qui a peur d’un dessin et de l’art en général. Ils exigent le retrait immédiat des cimaises de cette collection de tableaux, arguant qu’elle fait l’apologie du crime. Si c’est ainsi, il faudrait incriminer tout Hollywood et ses spéculateurs.
Gil a intelligemment calculé son coup. Il sait que plus on en parle, plus sa cote artistique va crescendo. Reste à savoir qui va acheter ces neufs tableaux réalisés entre 2005 et 2006 sous le thème "Ennemis" et qui ont la particularité de se vendre sous forme d’un «tri-triptyque» , c’est à dire un tout constitué de neuf pièces, et cela à la bagatelle somme de 260 000 dollars.
Maintenant que l’affaire est saisie par les médias les plus influents du monde et que Gil Vicente est devenu un héros, il serait drôlement intéressant que l’un des individus «flingués» picturalement par lui procède à l’achat de cette collection dont les images ont fait le tour du monde. L’heureux acheteur se verrait diminuer un peu de ses péchés, comme après un profond repentir. L’actant politique, haï par la multitude, va accéder directement à l’histoire universelle de l’art moderne grâce aux tableaux d’un artiste qui rêve de devenir un tueur. Paradoxalement, ces tableaux serviraient de passerelle. Ainsi, l’effaceur enragé deviendrait un passeur consentant, malgré lui. L’ennemi serait ami, en fin de compte. Là, tout le paradoxe.
RAZAK
Ils étaient neuf leaders mondiaux à être fusillés virtuellement par Gil Vicente, un peintre brésilien qui, ayant apparemment marre de dessiner n’importe quoi et pour n’importe qui, veut passer aux choses sérieuses. Il s’auto portraiture entrain de flinguer, à bout portant, ou d’égorger, avec un couteau acéré, des personnalités influentes du monde politique et religieux. Neuf en tout. Il en est le dénominateur commun. Un acte prémédité, et ce n’est pas l’alibi qui manque. Il est aussi net que l’épaisseur du trait. Dans cette tuerie picturale (je dirais graphique pour être précis) la véritable arme du crime n’est pas le pistolet ou le couteau que la lame que le peintre tient dans sa main, mais le fusain ou la mine de charbon avec laquelle il peaufine les silhouettes. Dans son atelier (je présume qu’il en a un de plus vaste, d’après les dimensions de ses toiles) ce justicier des arts plastiques, qui n’a rien d’un illuminé théologisé à outrance, se plait à torturer picturalement ses victimes, pour ce qu’ils ont fait. Il ne sait pas qu’en procédant de la sorte, il les immortalise, à son insu.
Gil Vicente ne fait pas de la caricature. Les dimensions anatomiques ont été respectées comme un bon élève de De Vinci pour donner en fin d’exercice une allure réaliste. Il n’y a pas de satire. Sans doute le dessinateur voulait-il éviter la voie qu’avait prise l’aventurier danois. Gil voulait prendre sa revanche sur ces dirigeants dont certains, il est vrai, se sont avérés de véritables criminels de guerre, puisqu’ils ont causé beaucoup de tort à la race humaine. Du coup, le peintre pacifique qui ne pouvait pas faire de mal même à une mouche devient un serial killer d’un genre nouveau. Et rassurez-vous, il n’est ni un fou, ni un givré. Il est conscient de l’acte artistique qu’il a commis. La preuve, il a choisi ses victimes scrupuleusement: sept présidents, un pape et un ex-secrétaire de l’ONU. Ce choix n’est pas fortuit. Il a oublié le grand espiègle barbu qui a affolé les barbouzes américains et les agents futés de la Scotland yard. Il a oublié les gros banquiers qui dictent et imposent au tiers-monde leurs desiderata. Leur réserverait-il un sort pictural bien plus retentissant?
Cet assassinat pictural commis par un artiste obnubilé par les dérapages du monde politique est le premier du genre. La Biennale de Sao Paulo en expose les preuves non pas par dénonciation ou par complicité mais par désir de montrer aux brésiliens de quoi un de leurs compatriotes était capable. Dans cette tuerie propre où il n’y a ni effusion de sang, ni cadavres à autopsier, Gil Vicente veut se venger de ceux qui, au faite de le hiérarchie administrative, commettrent dans l’impunité de graves erreurs portant préjudice à autrui. Le châtiment qu’il leur réserve est purement plastique et homothétiquement dosé selon chaque cas. Sharon le plus notoire entre tous est traîné par terre. Dans de tels traitements, on pourrait dire que l’artiste qui voulait châtier les politiques arrogants était généreux et magnanime.
La biennale de Sao Paulo est, depuis le jour inaugural, sur le devant de la scène artistique et politique. Les oeuvres graphiques de ce artiste en colère ont atteint le but visé, à savoir: créer la polémique pour faire écouler la marchandise. Depuis «l’urinoir» de Marcel Duchamp, on n’a pas vu d’aussi résigné et provocateur comme acte prémedité. Et comme à l’accoutumée, ce sont les prétendus puristes qui, faisant montre d’un puritanisme douteux, réagissent les premiers. Quitte à endosser le burnous de l’iconoclaste endurci qui a peur d’un dessin et de l’art en général. Ils exigent le retrait immédiat des cimaises de cette collection de tableaux, arguant qu’elle fait l’apologie du crime. Si c’est ainsi, il faudrait incriminer tout Hollywood et ses spéculateurs.
Gil a intelligemment calculé son coup. Il sait que plus on en parle, plus sa cote artistique va crescendo. Reste à savoir qui va acheter ces neufs tableaux réalisés entre 2005 et 2006 sous le thème "Ennemis" et qui ont la particularité de se vendre sous forme d’un «tri-triptyque» , c’est à dire un tout constitué de neuf pièces, et cela à la bagatelle somme de 260 000 dollars.
Maintenant que l’affaire est saisie par les médias les plus influents du monde et que Gil Vicente est devenu un héros, il serait drôlement intéressant que l’un des individus «flingués» picturalement par lui procède à l’achat de cette collection dont les images ont fait le tour du monde. L’heureux acheteur se verrait diminuer un peu de ses péchés, comme après un profond repentir. L’actant politique, haï par la multitude, va accéder directement à l’histoire universelle de l’art moderne grâce aux tableaux d’un artiste qui rêve de devenir un tueur. Paradoxalement, ces tableaux serviraient de passerelle. Ainsi, l’effaceur enragé deviendrait un passeur consentant, malgré lui. L’ennemi serait ami, en fin de compte. Là, tout le paradoxe.
RAZAK
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