vendredi 12 août 2011

Le tome 2 de la monographie Bouzghiba-Awards: enfin pret à ledition






LE TOME-2 DE LA MONOGRAPHIE BOUZGHIBA-AWARDS: ENFIN PRET A L'EDITION



Le tome-2 de la monographie Bouzghiba-Awards est en phase d’édition. Conçu comme un prolongement didactique et logique du premier tome, ce deuxième ouvrage va dans le même sillage, avec en sus, une analyse critique, menée à tête reposée, des différents tournants et étapes traversés. Il aborde l’œuvre des trois derniers lauréats à savoir: Zhang Yimou (symbiose entre l’art et le sport), Elarbi Sebbane (l’encre noire reflet de la société) et Derib (une vie au service du dialogue civilisationnel). Une Dardacha-Chatt entre le personnage Bouzghiba et son géniteur, suivie d’une ébauche sur le thème de la transcendance artistique, cloront ce présent ouvrage. Un extrait:
-BOUZGHIBA: Après le journalisme, la peinture et le théâtre quelle serait ma nouvelle destination?


-RAZAK: L’ultime étape serait les Muppets-shows et le cinéma. Je suis entrain de peaufiner un scénario d’un film comique en triptyque où vous seriez le héros principal.


-B: Votre œuvre romanesque inédite et intitulée Boumanjel le gaucher a demandé du temps pour être écrite. De quoi parle ce roman?



-R: Il nous renvoie au Maroc des années 60. Certaines péripéties remontent à l’époque coloniale. En somme, je crois que c’est l’une des œuvres maîtresses de ma modeste carrière littéraire. Je m’y suis attelée avec entrain, abnégation et détermination. Il y a une part non négligeable de documentaire, dans cette œuvre romancée. C’était l’occasion de revoir les nombreux documents rassemblés depuis une longue date. A travers ses 13 chapitres, on scrute la singularité d’un destin. Celui da Saleh alias Boumanjel. D’autres personnages-clefs comme Hamid l’aide-meunier et Kada ne manquent pas d’originalité. En voici par ailleurs quelques paragraphes:


«Dans la région, il n’y avait qu’un seul dispensaire, pour traiter les maladies mentales. Il se trouvait à Berréchid, une petite ville se trouvant à proximité de Casablanca. Mais il fallait quelqu’un pour l’y emmener. Alors alerté, Kada le conducteur, pour lequel Saleh éprouvait de la sympathie, était venu le voir. Il le trouva dans un état pitoyable. Accablé de douleur, Saleh s’était recroquevillé sur lui-même. Kada ne perdit pas de temps, il l’emmena à Berréchid. Le psychiatre qui l’examina était optimiste, la lésion psychique n’était pas profonde. Le chauffeur fut soulagé. Le docteur avait dit à l’accompagnateur, que d’ici une quinzaine de jours, il se rétablirait, pourvu qu’il prenne les comprimés qu’il lui prescrirait.


«Vous pouvez venir le prendre après ce délai» disait ce docteur d’un air rassurant.


Le chauffeur rejoignit son travail et Saleh était pris en charge, par le médecin soignant. On lui rasa la barbe qu’il avait laissé pousser durant la période du deuil. Après la première semaine d’hospitalisation, il commençait à réagir positivement au traitement. Son délire démentiel diminuait progressivement. Les symptômes paranoïaques avaient progressivement régressé. Après le treizième jour, ils disparurent presque complètement. Le fait de le placer dans un pavillon destiné aux malades atteints de troubles légers, loin des aliénés dangereux, dont certains marchaient tout dévêtus ou enchaînés, avait anticipé sa guérison. Après les soins thérapeutiques, le patient présenta des signes encourageants. A l’être pathologique succéda l’homme normal qu’il était avant le drame. Le psychiatre l’avait tout de même averti des fortes émotions, car selon ce spécialiste, elles pourraient déclencher à nouveau les morbidités et réveiller les troubles psychiques. Saleh devait éviter les situations et les facteurs psychogènes.


Certains cas, par hérédité, sombraient dans la schizophrénie inguérissable. Le syndrome obsessionnel, comme celui qu’avait Saleh, aurait sévi sans nul espoir de rétablissement. L’aliénation passagère aurait été inscrite dans la durée. Ce délire préventif l’avait sauvé de manière indirecte. La parole morbide en avait donné le signal d’alarme au bon moment. Etait-il prédisposé par atavisme à ce genre de comportement suicidaire ou les affres de la guerre l’avaient affectés outre mesure? Dans sa lignée notamment les quatre dernières générations, il n’y avait pas de cas de folie ou de suicide. Les troubles psychiques d’origine héréditaire étaient vraisemblablement exclus pour le cas de Saleh. Mais gare aux rechutes.


Un jour avant sa sortie d’hôpital, alors qu’il s’asseyait sur un banc adossé au mur du bureau du surveillant général, il entendit une conversation. On parlait de son cas. La porte entrebâillée de la salle l’aida à capter, mot par mot, ce qu’on disait à son sujet. Le docteur, de tendance lacanienne, expliquait à ses assistants comment un lapsus pourrait déclencher l’alarme et parfois servir de remède à la guérison.


-Le docteur: Les émotions et les chagrins accumulés sont une cuve d’incubation pour pas mal d’anomalies psychiques et de déséquilibres mentaux. Quand le langage courant présente des signes d’anomalie, incohérents et illogiques, cela devient préoccupant. Il est admis qu’un homme saint d’esprit doit parler un langage cohérent, mais quand la grammaire intérieure prend une allure inhabituelle et que les mots écrits ou parlés deviennent chaotiques et insensés, on sort du monde conventionnel, pour entrer dans un autre. Celui-là fait d’incertitude, d’expressions cacophoniques et de non sens. Mots mal articulés, phrases mal cousues. Les êtres perdent leur identité. Les faits, les impressions, les souvenirs, les substances et les choses s’égarent dans un tourbillon d’évocations hallucinogènes. Les notions du temps et de l’espace qui s’affaissent. Les mesures de quantité et de qualité qui se chevauchent. Les liens de coordination qui se détachent de leur socle, bref, le faux et le vrai s’entremêlent pour créer le chaos…


-L’infirmier: Est-ce qu’on peut dire que chez Saleh, l’horlogerie mentale commençait à suivre une cadence irrégulière et qu’on avait intervenu juste au bon moment?


-Le docteur: Oui. C’est exact. Au moment du trouble, tout s’entrechoque comme des atomes en ébullition. Les spécialistes appelés à la rescousse s’évertuent à en démêler l’écheveau, afin de trouver un peu d’affinité et d’ordre dans ce puzzle désordonné. L’être humain, entre les étapes de la formation et la transformation, engrange une quantité innombrable de choses ayant une signification commune. Quand il est acculé à en intervertir les sens originaux, sous la contrainte de facteurs anxiogènes, on sort de la tribu. La société, craignant la contagion, ne trouve comme solution, que l’enfermement dans des hospices, comme le nôtre. Une réclusion sous surveillance médicale. Le langage est la petite fenêtre qui donne sur le monde des refoulements.


-L’infirmière: Est-ce que les anomalies du langage peuvent guider le docteur soignant à trouver le remède?


-Le docteur: C’est la première fois que tu travailles dans un hôpital psychiatrique, n’est-ce pas?


-L’infirmière: Oui, mon chef.


-Le docteur: Les grands psychanalystes comme Jacques Lacan en font leur spécialité. Nous psychiatres, notre travail est plus médical qu’analytique. Avec le temps, je suis devenu à mon tour un freudien à l’affût des révélations du subconscient. Comment ne pas faire attention quand un patient vous dit «je mange l’eau en buvant du pain»? Un lapsus comme celui-ci qui revient comme un leitmotiv pourrait être dû à une «lésion du langage» et il pourrait donner des pistes, pour les lésions du cerveau. Ces associations de mots inconsciemment formulées pourraient dégager les traits enfouis de la personnalité profonde de la personne.


Selon ce docteur chevronné, les mots prononcés par Saleh dans son délire pouvaient révéler ses tourments et ses rêves transformés en cauchemars. Il n’y avait qu’à scruter attentivement cette phrase qu’il avait prononcée au moment du trouble: «Je suis fou, ma femme est ma guérison». La clef du psychodrame était là.


RAZAK

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