La caméra de prise de vue, qu’elle soit au service d’une télé ou du
cinéma,qu’elle soit fixée à un trépied
amovible ou portative (steadicam),glissant sur des rails ou suspendue à
une grue, ne cherche pas à capter uniquement les choses sérieuses (dégâts tectoniques,
crashs d’avions, inondations, conflits armés, accidents de la circulation…) et
à filmer les apparences pudibondes (films religieux…), les parures élégantes
(romances aristocratiques) et puis à se remémorer des allures chevaleresques
(péplums, fresques historiques …). Parfois,elle trouve sa recréation dans le
comique, quand ce n’est pas un Chaplin ou un Buster Keaton qui,en gagman initié,lui impose le
monostyle.
Pour le cinoche, on peut dire que cet humour qu’elle veut rendre
publique,via la cellophane, comme support d’incrustation des images, n’est pas
dans son élément, c’est-à-dire (ajoutons un peu de péjoration au stéréotype machiniste)
qu’elle n’est pas dans son état naturel,puisque tout est prémédité, artificiel et
calculé à l’avance. C’est un humour qui manque de spontanéité et qui est préalablement
concocté, puisque c’est inscrit en lettres lisibles et aseptisées sur une page
de scénario, sans oublier le dessin du story-board qui en délimite spatialement
l’élan expansif et évasif. Tout est à l’état frigorifié, de la moindre grimace
au plus drôle des faux pas et trébuchements.
Quant à la caméra de télé, elle a plus de choix, notamment dans le
direct. En matière d’humour télévisuel, on peut dire qu’elle voit double, non
pas par myopie mais par malice. Il y a du frigorifié, notamment quand la chaine
tv, en manque de nouveautés, se contente du réchauffé en revenant aux émissions
anciennes; et il y a de l’humour spontané, quand elle fait du direct, en se
mêlant à la foule dans les grands espaces clos ou ouverts, comme les grands
stades de foot, les arènes de tennis, les rings de boxe ou de kick-boxing, les salles
de théâtre ou de concert lyrique ...
Dans ces lieux mondains bondés de gens, absorbés par ce qu’ils
regardent, il arrive parfois que le spectateur,en commettant inconsciemment un
geste ridicule ou risible, devienne à son tour un acteur comique sans le vouloir.
C’est l’œil malin du caméraman qui, faisant de son visible instrument une sorte de caméra
invisible,guette ces gestes drôles et ces instants insolites, volés au
programme officiel. L’un sommeille en plein concert de musique classique et qui
tombe de sa chaise, l’autre baille en se grattant le nez. Un maestro qui laisse
tomber sa baguette, mais qui n’ose pas la ramasser devant le public. Un fan qui
veut offrir un bouquet de fleurs à son idole préférée mais qui tombe sur scène. L’autre qui, en se courbant,
déchire son pantalon au mauvais endroit et au mauvais moment. Les photographes-snipers
du Web proposent aux internautes toute
une multitude de gags véridiques de ce genre, captés sur le vif.
Même au dernier mondial
brésilien, on était vraiment gâtés. On a vu d’étonnantes apparitions et
d’hilarantes réactions qui excitaient le rire. Prises hors du contexte
footballistique, elles auraient une autre signification; et en cas de mauvaise
interprétation, elles auraient pu entrainer, comme conséquences, des poursuites judiciaires ,vis-à-vis des paparazzis qui les auraient captées.
Ainsi, compte-tenu des perfections apportées aux caméras digitales qui
retransmettaient en direct les péripéties de ce mondial qui a souri,à nouveau,
aux Germaniques,on a injecté de l’humour
à travers les spectaculaires ralentis. Avec ce mode de retransmission, les
gestes et les paroles aphones des joueurs deviennent d’une autre sémantique.
Cela a permis de décrisper l’humeur des férus du football et même aux
fanatiques du «foot-à-mort» (le contraire du «foot-amour») chauffés à blanc et
prêts à faire du grabuge, que ce soit dans les gradins ou dans les rues de la
ville.
Vu le côté dramatique qui accompagne intrinsèquement le football, dorénavant
le recours à l’humour doit aller crescendo. C’est l’antidote au poison qui
envenime les stades.
Dorénavant, l’humour et le football
devront faire bon ménage et être logés à la même enseigne, si on veut que
les choses se passent sans heurts. N’avions-nous pas vu juste, en auréolant le
sport footballistique du 9ePrix International de l’Humour (Bouzghiba-Awards)
que nous supervisons, dans l’intérêt général ? (Le 3e tome de
la monographie relative à ce prix culturel est en cours de parachèvement. Il
paraitrait probablement au début de 2015,
l’année où l’on va célébrer avec solennité la 10ème édition du PIH).
Les gags télévisés du Mondial-2014 sont innombrables et c’est grâce
à la malice des caméramans qu’on les a mémorisés.Parmi les fans de sexe féminin,
on avait vu des «top-modèles» en herbe et des
«stars bénévoles» dont certaines sont plus belles que Kidman et Penelope
Cruz.
Certaines images dérobées aux matchs sont devenues anecdotiques. Qui
n’a pas ri jusqu’à tordre le cou,en regardant l’entraineur argentin perdre sa
verticalité, en reculant en arrière, pour s’écrouler sur le banc de
touche ? Son homologue mexicain, lui aussi, a perdu son équilibre. En voulant
serrer dans ses bras un joueur,il le descend comme un catcheur.
Revenons un peu en arrière, qui a oublié le coup de crâne de Zidane
qui a été vu par des dizaines de millions de téléspectateurs et qui a été perçu
non seulement comme une incongruité pour un joueur réputé pour son calme légendaire, mais aussi pour
l’aspect anecdotique ? La preuve: on en a fait une statuette, presque grandeur
nature, pour en immortaliser l’impact
humoristique. Il en est de même pour Tyson, l’arracheur des oreilles à l’aide
de ses tranchantes incisives. Ce qu’il n’avait pas réussi avec ses gants, il l’avait obtenu avec ses
dents.
Ce qui est encore drôle, c’est qu’au début, ces images nous étonnent
désagréablement, mais avec le temps; en s’en souvenant, on en rit. Le gag domine le fait historique.
Enfin, outre ces gestes qui
sortent de l’habitude, il y a aussi des pleurs de spectateurs qui ont fait rire
les téléspectateurs. Dans les phases finales du Mondial-2014 on a vu des arrêts-sur-image
qui suscitent à la fois le rire et la pitié. Quand aux drôles accoutrements, on
avait droit à tout un festival. En guise de coiffure, certains supporters avaient mis des carottes.
Les gosses lunettes et les masques de tous genres nous faisaient penser à un
carnaval. N’étions-nous pas au royaume élu des carnavals ? Celui de Rio n’en
est-il pas le plus célèbre?
Que dire en conclusion? Quand la caméra veut rire, elle s’ingénie à
le faire plus dans la clandestinité, que dans les lieux balisés
topographiquement, comme les studios dont la majorité manque d’air frai. Le
rire naturel est le don des hommes libres, il a horreur des carcans routiniers
et des récidives nauséabondes.
Qu’est-ce qui pousse le caméraman à fouiller dans les tribunes au
milieu de la fourmilière,alors que le ballon rond est censé être la véritable
vedette ? La télé pense à nous. Elle ne veut pas que l’on s’ennuie dans
les arrêts de jeux. Ces derniers dictent ces petites récrés de divertissement.
Pourquoi les séries télévisées (Friends…)et les cartoons les plus
comiques, comme la saga des «Simpson» n’ont
pas fait long feu ? On s’en est vite lassés, parce que l’ingrédient de
base leur manquait: la spontanéité. Le rire vrai comme le dire vrai surgissent
des zones inexplorées de l’imprévisible.
RAZAK
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