vendredi 28 décembre 2007

Entretien par dans le journal l'Opinion


Question : On vous connaît en tant qu'artiste peintre dans les années 80 et puis comme critique d'art. Vous avez écrit plus de 1200 articles sur l’art . A l'époque, la fameuse Murale Critique au moment de l'exposition à l'Institut Goethe de Casablanca en témoignait et puis finalement vous avez publié un recueil de poésie au Canada et lancé le prix Bouzghiba de l'humour. Partant de ces belles choses, comment vous situez-vous par rapport à tout le monde ?

Réponse : La question qui me semblerait plus pertinente et plus judicieuse serait la suivante : comment le monde me situe par rapport à ce que je fais ? Concernant mes activités picturales, j'ai toujours considéré la création comme un medium pour exorciser la troublante impression qu'on a du temps. Ce dernier nous presse et nous harasse. Par conséquent, il fallait faire quelque chose pour en dévier la trajectoire et atténuer l’impact. Tenter de magnifier ce qui subjugue subjectivement et se conjugue objectivement tel est le défi artistique que j'étais appelé par une étrange envie de me surpasser à rendre possible. Esthétiser la laideur c'est alléger la lourdeur et égayer la tristesse ambiante . Je m'y étais attelé patiemment tel un maçon devant son édifice. Durant trois décennies je n'ai exposé que six ou sept fois. Faire du tapage pour rien ne m'intéresse pas. Le vrai souci pour moi est avant tout artistique. Il fallait innover. Coté recherche formelle le personnage Bouzghiba qui a été créé pour décongestionner l'humeur sociétale déjà affectée par le stress quotidien est une étape importante dans ma modeste carrière artistique. Heureusement le personnage a été bien accueilli par le microcosme médiatique d'ici et d'ailleurs. Il a ébloui même les canadiens et les portugais. Au festival CINANIMA des réalisateurs de films d’animation m’ont suggéré de porter à l’écran les aventures de Bouzghiba. Ce succès est dû au fait que monsieur Unicheveu est un produit de la société moderne. On a sympathisé avec lui parce que sa mouture iconographique plaisait aux gens. Je me rappelle que durant l'exposition du Goethe Institut une plasticienne marocaine à ne pas nommer a visité l'exposition plusieurs fois et à chaque fois qu'elle se pointait devant le portrait de Bouzghiba elle se mettait à rire aux éclats. Un des employés de cet établissement éducatif m'en avait fait la remarque. Je m'étais dit en moi-même :"Tant mieux, il y'a de la joie à mettre en partage via la peinture". Le personnage est sincère et il communique avec le public sans faux fuyants ni ambages. J'estime qu'après ma mort , le prix international de l'humour lancé en son nom me ressusciterait car il y'aurait de part le monde un continuateur ou une association de fans pour parfaire l'œuvre commencée ; pourvu que l'on ne trahisse pas le principe et l'esprit de l'initiateur qu'est votre serviteur. Concernant mon livre paru au Canada sous l'intitulé : "Au delà de l'Artifex, je dis" j'ai eu autant de satisfactions que de déceptions. En effet, si les canadiens ont accueilli les bras ouverts cette modeste création en se montrant sensibles et avides de belles lettres. Je n'ai pas eu dans mon pays les encouragements pour poursuivre avec autant d'enthousiasme le cheminement lyrique. Mais l'adage qui dit : "Nul n'est prophète en son pays " me rappelle que je ne suis pas le seul dans cette galère. La peinture m'a aidé à supporter le calvaire. Je vous rappelle qu'une fois le livre est édité à Montréal on consacra un programme de trois émissions radiophoniques à l'étude de son contenu .Qui aurait rêvé d'un tel hommage en terre étrangère? Le plus beau dans tout cela c'est que je ne connaissais pas ces intellectuels qui se sont relayés pour décortiquer mes textes .Quand j'avais reçu l'enregistrement de l'émission "Confidences littéraires" qui est foncièrement réservée aux auteurs québécois j'ai failli tressaillir par l'intensité de l'émotion .Aujourd'hui , quand la solitude et la nostalgie me prennent entre leurs griffes, je me console en réécoutant l’enregistrement. Je ne rêve que d'une chose : rencontrer ces artistes qui sont à l'autre bout du monde. J'ai hâte de serrer chaleureusement la main de l'essayiste Jean Laflamme, le professeur de littérature Jean Neuvel, la critique littéraire Renée Legris qui est une des rares spécialistes de la littérature radiophonique francophone sans oublier les comédiens du théâtre de l'Aube de Montréal Guy Gascon , Richard Faubert, Margo Monette... Je désire leur dire Merci pour avoir manifesté de manière naturelle autant de passion, de compassion et d'engouement pour mon écriture. Ils n'ont jamais vu mon visage mais ils ont pu jeter une passerelle entre les deux rives de l'Atlantique. Une sorte de pont d'amitié dont je n'arriverais jamais à décrire les soubassements avec des mots.

Entretien réalisé par Ahmed Bakkali


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