Les Baltagiés de l’art
Que ferez-vous si celui que vous croyez être un vrai ami se révèle en réalité un misérable indic de la vile espèce, qui vous espionne comme si vous étiez un subversif voulant renverser le régime. Quand les indics incultes passent de la parole aux actes physiques ils deviennent des Baltagiés, c’est à dire des voyous qui terrorisent le peuple. Le plus notoire d’entre tous vient d’exhiber (dans l’impunité juridique) une hache sur Youtube. D’autres espèces plus nocives ont trouvé refuge dans l’art. Appelons-les Baltagiés de l’art pour simplifier la compréhension. Ces derniers sont les plus facétieux, car il faut un minimum d’art de déguisement pour assurer le bon camouflage. Ce sont des intrus dangereux. Ils ne connaissent rien en art pictural, mais ils agissent comme s’ils étaient des experts assermentés. Pour ces ignares contagieux le fauvisme serait l’antre des fauves et le maniérisme en peinture serait une manie et non un art du répertoire ayant ses propres attributs historiographiques. Ils vous montrent une face rieuse et vous cachent les crocs de prédateurs. Par ailleurs ils se connaissent entre eux et se relaient dans l’unique but de piéger les artistes intègres, ou le cas échéant, de leur extorquer de l’argent indignement et indûment. Quand malencontreusement l’un est dévoilé un autre de plus incorrigible prend la relève. Ainsi, s’il y a des villes qui enfantent des braves et les valeureux, il y’a des villes qui enfantent les indics et les mouchards. On ne peut rien y changer. Ce jeu macabre et absurde du chat et de la souris est depuis l’époque coloniale, ainsi fait. Pour faire diversion, il faut que ces Baltagiés montrent une certaine émulation entre eux. Les intellectuels éveillés et les journalistes incorruptibles savent qu’ils sont épiés et espionnés constamment par ces professionnels de la délation (non reconnus officiellement puisqu’ils travaillent dans le noir et l’informel). Ils bénéficient d’une impunité qui les rend plus dédaigneux, féroces et incorrigibles. Ceux qui ont un petit boulot de formateur dans une institution publique (comme l’enseignement ou la radiotélévision…) jouissent d’une certaine diligence. On ferme l’oeil sur leur taux élevé d’absentéisme, puisque l’agent enrôlé secrètement est au «front» au lieu d’être dans sa classe ou dans son studio de production audiovisuelle. Ils ne viennent à l’institution qui les emploie que pour toucher le cheque mensuel. Par ailleurs, on ne compte plus les victimes tombées dans les pièges de ces sbires. Les Années de Plomb avaient plombé les ailes des créateurs insoumis qui ne veulent pas penser bête. Là où vous mettiez les pieds une horde d’informateurs et une meute d’indics manipulés par des invisibles vous provoquaient et vous harcelaient. L’on avait le sentiment de vivre dans une vaste prison à ciel ouvert et que l’on risquait à tout moment d’être agressé par ces forçats déchaînés qui n’avaient de respect ni pour l’institution qui les employait, ni pour leur personne.
Certes, l’on note aujourd’hui un certain allégement mais on sent vivre à l’étroit et qu’on est toujours sous haute surveillance et puis que nos faits et gestes sont comptés. Le style a peut-être changé, mais l’élan oppressif semble toujours de mise. Les rafles sont devenues moins fréquentes qu’autrefois mais l’oeil et le réflexe policiers sont toujours omniprésents. Ces Baltagiés de l’art, délateurs impénitents, sont guidés plus par leur soif de vengeance que par les deux misérables sous qu’on leur jette comme un pourboire de café. Etant des ratés notoires, ils cherchent à diluer leur poisse dans la vasque de ceux qui réussissent. On les voit mal vêtus et mal rasés comme des gueux vivant d’expédients ou de rognons comme des laissés pour compte. Quand l’Aïd du Mouton arrive ils deviennent d’une mesquinerie qui brise le cœur. Ils sont prêts à commettre des actes ignominieux pour avoir l’ovidé qui fait «Baâ».
Si les gens honorables vomissent quand ils entendent le mot délation, ces professionnels de Tachekamt en font un exutoire psychique. Pour les aider à arrondir leurs fins de mois on les laisse trafiquer un petit peu. Comme la plupart n’a pas de diplôme ils se mêlent aux autres courtiers et font de la Semsara un gagne-pain. Ces individus spéciaux qui surveillent de plus près les peintres au point de leur pomper l’air ont besoin d’être surveillés à leur tour car les infractions commises par certains d’entre eux (trafic de tableaux volés ou plagiés…) sont parfois plus graves que celles que l’on veut prévenir ou circonscrire de manière anticipée. A quand une société sans délateurs et sans Baltagiés?
RAZAK
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