mercredi 2 mai 2012

Ingratitude

Ingratitude 
Par Razak
Pourquoi ne devrait-on récolter que de l’amertume après chaque acte de charité et geste 
de bonne volonté? La réponse est simple: il y a erreur de destinataire. La personne à 
aider ou à secourir n’est pas celle que l’on pense. Par ailleurs Li Andou Jouâ Kdim 
(avarice inguérissable) est incapable de répondre par la pareille, en termes de 
courtoisie et de réciprocité bienveillante. Dans le vocabulaire usuel de ces profiteurs 
on ne trouve pas le mot Merci. C’est une perte d’encre que de consacrer des lignes 
élogieuses à des énergumènes qui cachent du poison derrière la face rieuse et qui 
crachent dans la soupe que le bon samaritain leur offre gratuitement. Le mieux qu’on 
puisse attendre des mauvais types c’est le manque de civisme et de l’ingratitude 
outrancière, pour le geste généreux qu’on vient de commettre en leur faveur. Je dis 
commettre, car il y a un peu de susceptibilité qui s’insinue par inadvertance de s’être 
trompé de gars. Mais on ne doit pas se lamenter et céder au dépit, car après tout, les 
gens sont pierres et «Tob» (roche tendre) comme dit l’adage marocain. Les lecteurs de mes 
chroniques se souviennent que bénévolement et stoïquement l’on avait aidé de nombreux 
novices dans leurs premiers pas et on a réussi à détourner l’attention sur des comédiens 
et comédiennes que l’on considérait comme victimes de la société. On était allé (avec la 
bénédiction du chef de rubrique) jusqu’à afficher leur jolies gueules dans la publication 
pour que les lecteurs se souviennent d’eux. Après la diffusion du journal, ils ont vu que 
leurs conditions se sont nettement améliorées, mais ils oublient de dire merci, au moins, 
au support qui a servi de courroie de transmission et de passerelle. Bref, ils en ont 
profité, mais pourquoi se montrer irrévérencieux comme font les arnaqueurs et les pique-
assiettes? Les uns ont carrément changé de statut social. De l’être besogneux à l’être 
fortuné, l’ascension devait-elle passer par le sacrifice du chroniqueur ou du journaliste 
culturel qui l’a propulsé? D’autres, menacés d’expulsion de leur domicile, ont dû être 
sauvés in extremis grâce au journal qui, par solidarité, a évoqué leur cas. On n’attend 
pas d’eux qu’ils nous fassent une thèse doctorale de civilité, mais un tout petit mot de 
gratitude pour le rôle noble accompli. Que dire enfin de quelqu’un qui vient presque à 
quatre pattes vous supplier d’écrire sur son calvaire, mais une fois débarrassé de son 
problème, il vous dit sans vergogne: «dommage, le journal n’a pas beaucoup de lecteurs» 
comme si les journaux qui tirent à 100 milles ou 120 milles étaient tous crédibles et 
ne dribblaient pas avec la vérité. Excepté les ressortissants étrangers, on reçoit 
rarement de feed-back de nos concitoyens humblement servis, qu’ils soient artistes, 
acteurs, politiciens ou activistes de la société civile. Il y en a qui, franchissant le 
fleuve amer de la misère détestent ceux qui ont eu la gentillesse et le flair de les 
révéler en toute primeur au public. Ils ont supprimé leurs articles du book-press parce 
que cela leur rappelle les années de pauvreté et de galère. Etre artiste, c’est avoir un 
minimum de politesse et être reconnaissant envers ceux et celles qui vous ont déblayé le 
terrain. En tant que freelance, ayant épaulé pas mal de gens (voire archives de presses) 
j’aurais dû demander ma part du gâteau, notamment à ceux et celles qui réussissent, car 
tout travail mérite rétribution, mais je ne l’ai pas fait et je ne le ferais pas, parce 
qu’un humanisme quelque peu masochiste m’y conduit comme un écervelé. Demander des sous à 
un photographe sur le point d’être expulsé de son taudis n’est pas de mes habitudes. 
Demander de l’argent à des comédiens chassés des tréteaux ou ignorés par les maisons de 
production cinématographiques ne fait pas patrie de mes moeurs. Le matérialisme sauvage a 
ébranlé toutes les bonnes valeurs. Désormais, le verbe «profiter» se conjugue à tous les 
temps grammaticaux. Comme par décadence, toutes les belles choses sont devenues 
monnayables et obéissent à la vile loi du marchandising. Une chanteuse au crépuscule de 
sa carrière a dit sans rougir: «j’ai le droit d’acheter les récompenses et les 
distinctions». Cela signifie corrompre les jurys de sélection. N’est-ce pas horrible? Les 
prix doivent auréoler les plus talentueux et non pas les plus riches. Comme je l’ai déjà 
mentionné dans le tome-2 de la monographie Bouzghiba-Awards qui va paraître prochainement 
sous forme de E-book (le contrat vient d’être signé avec un cyber-éditeur parisien): 
«certains sont devenus caricaturaux et affreusement affadis, à cause du folklorisme 
clinquant et de l’affairisme décadent qui les submergent. L’objectivité y a cédé la place 
à la complaisance et à l’arnaque. Il n’a résulté de ces "loteries" perverses que les 
mièvreries et les impuretés pseudo artistiques. Certes, quelques individualités 
talentueuses méritaient d’être auréolées, mais il fallait être précautionneux pour ne pas 
en faire des prétentieux doublement affectés de négativisme et de mégalomanie. De grands 
vaniteux sont sortis de ces «urnes» dépravatrices. La débauche y est devenue une 
constante écœurante». 

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