DARDACHA 4
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CHAT ENTRE LE PERSONNAGE BOUZGHIBA ET SON GENITEUR
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-Bouzghiba: Vous êtes mon coach, quels sont les matches de la vie où l’on vous a causé du préjudice ?
-Razak: Préjudice non, mais du dépit oui et en grande quantité. Quand je reconnais la source de nuisance, j’en ricane. Par nombrilisme, un des ministres des affaires culturelles avait condamné mon ouvrage à la réclusion "biblio-solitaire". Par jalousie, j’avais eu affaire à des matons médiatiques de la pire espèce. Mais à l’opposé, j’ai eu l’honneur de rencontrer des journalistes intègres qui ne courbent l’échine devant aucune bassesse. Ils ne sont pas nombreux, mais comme dit l’adage marocain « une poignée d’abeilles est mieux qu’une nuée de mouches ».
-Bouzghiba: Les deux chaînes de télévision locales qui ont souvent boycotté vos activités artistiques pour une caricature parue dans un canard marocain, commencent à donner des signes de magnanimité. Au festival de Marrakech, on vous a permis de vous exprimer en prime time. Est-ce qu'on peut dire que la hache de guerre a été enterrée à jamais ?
-Razak: Je n’aime pas les mots guerriers. Une critique cathodique n’est pas une Kalachnikov. Une caricature n’est pas un lance-roquette. Quand un responsable d’un media public commet l’irréparable, il doit accepter les critiques d’autrui surtout quand cet autrui est un contribuable qui paie les impôts. Les chaînes locales que l’on voulait pousser vers le meilleur doivent s’ouvrir aux autres sensibilités, sinon avec la mondialisation, la concurrence sera rude. L’atrophie de leur audimat ira crescendo, tout cela au profit des chaînes satellitaires telles Aljazeera, Alarabiya ... Passer aux infos de 20h30 mn n'est pas un exploit . N’y avons-nous pas droit ? Il faut rappeler que lors du concert de la diva du Rai Chikha Rimitti , le reporter de 2M m’avait interviewé pendant 30mn et je ne sais toujours pas ce qui est advenu de cet enregistrement audiovisuel . Aussi, le premier prix de l’humour est passé presque inaperçu malgré la puissance du message qu’il véhiculait. Par ailleurs ce passage furtif à la télévision dont vous parlez aurait été censuré dans son intégralité si j’avais évoqué en passant le calvaire de l’humoriste Ahmed Senoussi alias Bziz.
-Bouzghiba: Et le holding public ?
-Razak : Avec le holding, on n’est pas totalement rassuré puisqu’il se recherche . J’ai publié dans le journal hebdomadaire Rabat Express un article analytique où j’avais montré où ça clochait. La seule incongruité positive semble la perméabilité à l’égard de mon brulot. Autrefois, à la moindre critique fut-elle constructive on vous clouait au pilori. Pour cette année, la directrice des infos de 2M a eu un comportement différent. Elle a envoyé un reporter pour me questionner sur le Bouzghiba Award 2006. Malheureusement, on ne s’était pas mis d’accord sur la manière de présenter la chose. Le journaliste voulait un « truc grandiose », moi de la simplicité .Voilà la pomme de discorde. Il est retourné bredouille.
-Bouzghiba: La TVM a envoyé une speakerine et un cameraman. Mais les téléspectateurs n’ont rien vu, que s’est-il passé réellement ?
-Razak: Rien de grave. On se rattrapera dans les jours à venir. Car Ahmed Fassi qui anime à TVM une émission sur les arts plastiques , m’a promis un bis après la causerie qu’il a diffusée la nuit du mercredi 18 janiver 2006 dans son émission Fen oua Hiwar (Art et Dialogue ) de Radio Tanger . Ce journaliste de la radio m’ a prouvé qu’il n’est pas de ceux qui portent préjudice à l’expression artistique . Il a sa propre sensibilité. Il aime l’art qui innove et cela n’est pas donné à n’importe qui. Rien à voir avec les autoproclamés «cracks» de radio et de télévision qui causent plus de mal que de bien aux boîtes qui les emploient.
-Bouzghiba : Pourriez-voue nous en citer un exemple ?
-Razak : Avec plaisir . Une « journaliste » Addi Dounia de la deuxième chaine pense que le fauvisme de la peinture est l’école de tout ce qui est fauve. L’anecdote m’a été rapportée par un collaborateur de cette chaine qui a assisté à la scène.
-Bouzghiba: Sommes-nous éloignés du temps de la caricature caustique et des messages aigre-doux comme celui charrié par la planche freudienne «Cartes sur table»?
-Razak : Je ne suis pas quelqu’un qui aime jouer au persécuté des médias. Mais je remarque qu’il y’ a un peu d’hypocrisie de la part de 2M dans la manière de vouloir couvrir l’événement relatif au prix Bouzghiba 2006. Cela me rappelle la fable du renard qui invite une cigogne pour manger une soupe non pas dans un bol mais sur un couvert plat. 2M a plusieurs émissions dédiées à l’art, à la communication et à l’éducation. Or Bouzghiba 2006 intéresse ces trois disciplines. Va-t-elle rectifier le tir et montrer qu’elle est réellement magnanime ?
-Bouzghiba: Quelle est la source de votre calvaire ?
-Razak: Dans tout corps de métier, il y a les as de la communication qui comprennent vite et il y a les autres qui n’y arrivent pas. Il ne faut pas les brusquer. Avec les médiocres, on est constamment contrarié. De deux éventualités l’une: soit résister aux briseurs d’élan, soit abandonner le champ de bataille et dans le deuxième cas, tout devient pervers. Les iconoclastes ne sont pas mes amis, ils le savent. Les magouilleurs et les corrompus me haïssent parce que j’en récuse le côté vil et mesquin. Les premiers sont des gens dépourvus de sensibilité artistique et ils cherchent à étouffer ce qui est beau chez l’être humain, c'est-à-dire la créativité artistique, les seconds sont un danger pour la bonne marche de la société. L’art en pâtit. Le journaliste Jean Dutourd de France Soir des années 80 avait dit: «Tuer une œuvre d’art est plus grave que de tuer des hommes. Des hommes, on en fait tant qu’on veut ». Dutourd blaguait car des hommes de génie tel Léonard de Vinci on n’en fabrique pas à satiété dans des éprouvettes de clonage.
-Bouzghiba: Comment on tue une œuvre d’art ?
-Razak: Par l’indifférence, l’hypocrisie, la flicaille , l’opacité et l’étroitesse d’esprit.
-Bouzghiba: En tant que personnage caricatural, il m’arrive d’être introduit dans des situations paradoxales, le faites-vous par ironie ou par dégoût ?
-Razak: Ni l’un ni l’autre. Dans la caricature du diplôme braqué sur la tempe, c’est la réalité ambiante qui me l’a dicté. Dans le tableau de la pastèque c’est de l’humour ludique.
-Bouzghiba: A l’époque de la collaboration avec Al Bayane on disait de vous que vous aviez la gâchette rapide…
-Razak: Mais pas aussi rapide que celle du pistolero de Hollywood Clint Eastwood qui a dit « Si je me suis toujours abstenu d’avoir un flingue sur moi, c’est parce que je savais qu’au premier emmerdeur, je serais incapable de me contrôler ». feu Nadir Yata était un type formidable .Il ne m'a jamais imposé quoique ce soit .A l'époque , le journal Al Bayane était un véritable forum où se côtoyaient diverses sensibilités issues d'horizons divers : Michel Jobert, Toledano, Simon Levy ,Thami Khyari , Seddiki, Mohamed Ferhate , Jamali , Mohamed Souf ...
-Bouzghiba: Les journalistes et artistes qui vous ont côtoyé retiennent de votre vocabulaire des mots bizarres comme Banou Kallakhovitsh* , Banou Aâtch*, Gharadiste, c’est quoi un Gharadiste ?
-Razak: C’est un individu égoïste, cupide et calculateur. Il ne cherche que son intérêt personnel. Il dit toujours : « après moi le Tsunami ».
-Bouzghiba: Vous êtes caustique mais pas cynique …
-Razak: Quand on est cynique on est plus proche de l’inique.
-Bouzghiba: Qu’est ce que tu pense du procès Nichane ?
-Razak: Taisez-vous , sinon on va vous accuser d’intrusion dans des affaires qui ne vous regardent pas . Vous irez Nichane* en taule.
-Bouzghiba: Parlons sérieusement,
-Razak : J’espère qu’en appel , si appel y 'a , le jugement final serait plus clément . Interdire un journaliste d’exercer son métier est une abomination. Heureusement , cette hideuse punition a été écartée de justesse .
-Bouzghiba: Et le prétendu magnétiseur de Skhirate , croyez-vous à ses exploits surnaturels ?
-Razak: Les divagations de tout illuminé me font marrer. Il faudrait être un déjanté pour y croire. Si l’homme à de la baraka à en revendre alors qu’on analyse sa semence génétique pour en avoir le cœur net. Peut-être qu’avec le clonage obtenu à partir de son ADN on aurait la réponse médicale à tous les maux de l’humanité et que nous entrerions dans l’Ere des sociétés sans ministres de la santé puisque dans chaque quartier on aurait un homme-pharmacie comme celui dont on parle pour nous guérir. Quand on désespère des sciences exactes on s'en remet aux sciences occultes .La communauté scientifique est coupable d'avoir cautionné ce méfait par le mutisme
LEXIQUE:
*Nichane: Veut dire TOUT DROIT dans la langue dialectale.
*Banou Kallakhovitsh: se disait de certains cancres détenant des diplômes obtenus dans des universités de pays de l’Est.
*Banou Aâtch: Se dit de certains étudiants marocains vivant au Canada, qui passent plus de temps dans le bar que dans les salles d’études.