Si d’ordinaire on dit que la musique adoucit les moeurs. Il arrive parfois qu’elle fasse, contre toute attente, gémir un bébé, comme cela s’est produit le vendredi 4 mars au théâtre Mohamed-V, au tout dernier moment du récital. Ce qui est amusant c’est que ce bébé qui s’était tenu tranquillement durant une heure et demie a bien placé son adagio plaintif au moment propice. Ce qui a déclenché un rire collectif dans la salle, suivi d’un tonnerre d’applaudissements. Comme cela, les pleurs du petit môme sont entrés dans les annales de musique classique au Maroc. Ils ont dû imprimer leur sonorité naturelle dans la partition musicale de l’un des géants de la musique lyrique. Ce n’est pas Casse-noisettes, avec ses valses entrainantes, mais un oratorio d’une âme perdue. Si notre soliste de bas âge s’était manifesté au début ou au milieu du récital, cela aurait créé un désagrément insupportable. Mais il avait choisi son moment. Bravo pour le tiempo. En effet, c’était au moment où les instrumentistes dirigés avec brio par le russe Oleg Reshetkin étaient entrain d’exécuter les toutes dernières notes musicales de la symphonie N°6 (surnommée pathétique) de Tchaïkovski quand soudain le bambin, dorloté par sa mère, s'était mis pathétiquement à pleurer. Et ce pleur innocent et énigmatique a été effacé de manière doucereuse par le rire des mélomanes, car il avait clos le récital dans une ambiance joyeuse. Que voudtrai-il nous transmettre comme message, à travers ses vocalises attristées ? Que nous sommes des inhumains puisque les enfants libyens se font massacrer sauvagement par la soldatesque sanguinaire du tyran de Tripoli alors que nous jouissions comme des bourgeois insensibles et égoïstes de moments de plaisir, de détente et de délassement entre les archets et les cymbales? Ce pleur a un sens.
«Le lac des cygnes » dont Tchaïkovski est le brillant compositeur y trouverait un sosie lyrique à intituler : «Un bébé menacé par le son d’un trombone».
Les cameras de la SNRT dont on n’a pas vu les téléobjectifs depuis des lustres, notamment pour ce qui concerne la musique classique, étaient là. Curieuses retrouvailles. Elles ont pu enregistrer le concert dans son intégralité y compris l’adagio final du bébé. On souhaite que l’on ne fasse pas supprimer de la bande-son ce très beau cri émanant d’un enfant qui de manière innée et spontanée a exprimé ses sentiments. Par ailleurs, le grand Tchaïkovski lui-même n’avait-il pas écrit : « … seule la musique, en l’espace d’un instant, a le don d’exprimer une palette de sentiments tels le chagrin, le désespoir, la grâce, le bonheur … »
RAZAK
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire