UNE MARCHE POPULAIRE CONTRE L’IMMOBILISME
«Les plus beaux chants sont les chants de revendications» disait Léo Ferré. Les opprimés et déçus du système sont sortis dans la rue, et en manifestant pacifiquement, ils se sont soulagés d’un lourd fardeau, celui d’exprimer leur opinion loin des canaux obstrués et habituels de la bureaucratie. Quand les lettres envoyées aux responsables sont restées sans réponse, quand les portes de l’administration publique sont fermées aux doléances, quand les demandes d’audience sont systématiquement rejetées, quand la corruption est érigée en système de gouvernance, quand les dysfonctionnements crèvent l’œil et l’injustice fait rager, le plus naturel des gestes serait de se soumettre au mot d’ordre: sortir dans la rue et crier haut et fort pour que ça change. Le 20 mars 2011 restera gravé dans les mémoires. Ils étaient des milliers de jeunes épaulés par des gens âgés à scander à tue-tête des slogans revendicatifs comme «Abbas déguerpis», «PAM out» et «On ne veut pas d’une constitution pour esclaves». Les marches de protestation sont le meilleur courrier contre cet atermoiement pathologique, et ce statuquo symptomatique.
Rabat ville infestée d’indics et de rats de l’administration centrale est aussi la ville où l’on manifeste le plus. Qu'il pleuve ou qu'il vente, les marches de protestations se relaient durant les 12 mois de l’année. Diplômés chômeurs, enseignants stagnant dans leur grade, syndicalistes et militants affilés à des associations de droits de l’homme en sont les principaux acteurs. La dernière marche de Rabat n’avait pas de motivation idéologique. On y retrouve toutes les composantes de la société civile: laïcs et intégristes religieux, enfants et adultes, femmes mariées et filles nubiles, avocats et personnel médical, diplômés chômeurs et salariés, comédiens et artistes peintres, bref tout un arc-en-ciel représentatif de la société marocaine. Seuls les froussards se contentent des trottoirs et des marges de chaussées piétonnes. Les frileux qui faisaient partie des trois quarts qui n’ont pas voté aux élections et qui par lâcheté pensent toujours au pire, doivent regretter d’avoir raté un rendez-vous avec l’Histoire. Manifester pacifiquement est un comportement digne d’éloge. Revendiquer certaines choses logiques, exprimer son désaccord envers certaines décisions impopulaires, crier son ras-le-bol, n’est-ce pas lié au dynamique de la vie elle-même? Biologiquement et physiologiquement, nos cellules revendiquent chaque jour davantage de vitamine et d’anticorps pour combattre les microbes et les virus, sinon c’est la chute fatale c’est à dire TILT. La monotonie et la routine tuent la vie. La marche du 20 mars dans laquelle Bouzghiba et son géniteur ont participé non sans fierté s’était déroulée pacifiquement. Cela est encourageant. Ainsi sous un soleil zénithal qui nous rappelle par sa torpeur celui du mois d’août on a marché côte à côte avec les jeunes potentialités rêvant d’une vie meilleure. Avec la liste bouzghibienne des 20 proscrits du système on était au fait 22 à manifester sous la même planche revendicative. Le caricaturiste populaire El Abed (voir photos) s’est joint à nous avec son militantisme salutaire. Nous nous sommes immergées dans la marrée humaine, criant et répétant en chœur des slogans revendicatifs contre les cancres du gouvernement.
On souhaite que le message ait pu passer à qui de droit. Il n’est plus urgent d’attendre. Le peuple veut des reformes en profondeur et dans les plus brefs délais. Les promesses ne font pas vivre les affamés parce qu’elles rentrent dans le contexte du prévisionnel hypothétique et non pas dans le structurel systémique.
RAZAK
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