lundi 19 février 2007

DARDACHA-12- Hubert Clerissi le peintre des embarcadères




DARDACHA-12-Hubert Clerissi le peintre des embarcadères
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CHAT ENTRE LE PERSONNAGE BOUZGHIBA ET SON GENITEUR
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Bouzghiba: Hubert Clerissi le peintre des embarcadères nous a quittés le 18 mars 2000 à l’âge 77 ans en laissant derrière lui une œuvre fabuleuse. Vous l'avez rencontré à la galerie Nadar à l'occasion de son exposition qu’il a montée au Maroc. Le peintre gentlemen vous a marqué pas sa simplicité. L'article que vous avez écrit sur lui est le seul à être cité au milieu d’une foisonnante sélection de signatures diverses, mise online dans son site web officiel: WWW.Hubert-Clerissi.Com. Parlez-nous un petit peu de ce peintre monégasque?
Razak: Clerissi était un type formidable. Il s’est toujours éloigné des modes, du tintamarre qu’elles fomentent et des querelles d’école qu’elles alimentent. Il peignait les lieux où il a éprouvé du plaisir. C’est simple comme bonjour. Mais cette simplicité n’est pas donnée à tout le monde. Ses œuvres lumineuses sont un antidote à la tristesse, au désespoir et à la sénilité. Il ne s’agissait pas pour lui de reproduire mais de magnifier. Les séries de ports, de rades, de gares, de quais, de voiliers, de trains et paquebots qu’il a peintes baignent dans une lumière méditerranéenne. C’est le regard ébloui d’un éternel enfant jubilant devant son manège préféré avec ses carrousels magiques, ses cordages dorés et ses scintillantes guirlandes. L’une des plus remarquables toiles qu’il a peintes avec tout ce qu’il a de clerissien c’est à dire de magique, est sans contexte cette vue marine avec un voilier à plusieurs mâts, pièce centrale de la rétrospective 2000. Toute madrague vétuste, tout quai abandonné, tout cargo ou paquebot si délabrés soient-ils deviennent par la grâce de ce coloriste de charme vivants et poétiques. Ils deviennent aussi des témoins diserts du dialogue de la mer avec la lande, du vent marin avec la rusticité côtière. Ils suggèrent l’idée du voyage, du rêve et du dépaysement. Ils sont la réussite d’une innovation qu’on pourrait rattacher idéellement à ce que j’appellerais le néo-perceptionnisme chromatique. Son art neo-perceptionniste serait fait d’optimisme .Il serait dédié à la gaieté de vivre. Comme si le peintre, semblant hanté par la mobilité et le nomadisme, voulait nous rappeler par le choix des sujets, l’agencement des couleurs, leurs vibrantes franges et stries, les préceptes chers à Héraclite:«Tout coule. On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. Le froid devient chaud, le chaud froid, l'humide sec et le sec humide».Clerissi était bien vu par l’intelligentsia pour ses qualités humaines .N’est pas membre de la Société des Arts, Sciences et Lettres, qui veut.
Bouzghiba: Sa disparition vous avait profondément bouleversé.
Razak: Quand j’avais appris la nouvelle, j’étais terrassé. Quelque chose de terrible avait mis ma gaieté en berne. Laila Faraoui l’ex-directrice de la gallérie d’art Nadar serait inconsolable. Je me souviens de l’homme comme du créateur. Il était affable et très réceptif. Dès que vous entamez une petite discussion avec lui, vous éprouvez la sensation étrange que vous le connaissiez depuis X temps. Avant le vernissage de son exposition, j’ai fait le voyage Rabat-Casablanca pour voir avant les autres les travaux du «Peintre de Monaco» dont j'entendais parler depuis longtemps. Je fus charmé par les belles choses qu’il avait réalisées. Après la publication de mon modeste billet artistique, il m’a félicité. Il m’a montré son gros book-press bien ornementé, en me disant avec une ferveur in-dissimulable: «Ton article sera placé là, à cette place ». C’était un des rares peintres à n’avoir grief avec personne. Quand il avait su que j’étais peintre, d’une «figuration» n’ayant rien en commun avec la sienne, il m’avait sorti une carte de visite. «C’est la galerie de ma fille» me disait-il affectionnément. Malheureusement, j’ai égaré ce petit bout de papier. Je me souviens qu’il y avait marqué les noms de sa fille Nadia et de son conjoint si j'ai bonne memoire . Je chercherais dans ma paperasse pour retrouver cette carte de visite. Car elle suscite en moi un sentiment de nostalgie
Bouzghiba: Excepté votre article élogieux, cette grande expo est passée inaperçue?
Razak: C’était injuste de ne pas rendre compte de l’activité créatrice d’un artiste de cette carrure. Pourtant Clerissi était un des fervents admirateurs du Maroc et tout particulièrement de la ville de Marrakech. Je souhaite qu’une rétrospective lui soit consacrée au Maroc par les autorités culturelles du pays ou la mairie de Marrakech afin de rendre hommage à cet artiste émérite et réparer cette faute de négligence.Voici chronologiquement ce que des personnalités de renom ont dit à son sujet:

-En 1934 JEAN-GABRIEL DOMERGUE (Président du Jury du Prix de peinture à la Station de Radio Côte D'Azur Nice Juan-Les-Pins) au jeune HUBERT CLERISSI, 11 ans, 1er PRIX:«Bravo à ce jeune talent, qui nous a montré une œuvre de facture bien originale, traitée par lui-même sans l'aide de personne.»
-En 1947 WAKEFIELD MORI (ancien Conservateur du Musée National des Beaux-Arts de Monaco):«Dans les toiles d'HUBERT CLERISSI, la couleur frétille comme les œuvres du Maître vénitien, Francesco Guardi».
-En 1948 GASTON BERNHEIM de VILLERS (Collectionneur et marchand d'Art):«C'est un nouveau talent que je découvre et que j'accroche dès aujourd'hui dans ma collection personnelle».
-En 1950 MAURICE UTRILLO:(alors Président du Jury du Salon Monégasque, dans lequel le 1er Prix a été attribué au tableau "Café de Paris"):«Une peinture qui sort des sentiers battus ! J'ai tenu absolument à ce que l'on donne à ce "Café de Paris", le premier prix. Je souhaite à CLERISSI qu'il devienne un grand peintre».
-En 1955 JEAN DRAGON (critique d'Art): «HUBERT CLERISSI dessine avec une extraordinaire sûreté. Il est aquarelliste d'instinct, par sa prestesse, ses frais accords de couleurs et son sens de la composition. Elles vaudront certainement demain à ce paysagiste harmonieux, une grande réputation.»
-En 1956 MARCEL PAGNOL de L'ACADEMIE FRANCAISE:«Cet artiste s'est attaché à tous les moyens de locomotions, tant et si bien que si l'on nommait un gouvernement de peintres, CLERISSI deviendrait sans doute Ministre des Transports.»
-MARCEL PAGNOL disait aussi: "Ce sont des aquarelles d'homme"
-En 1937 FLORENT FELS (critique d'Art):«HUBERT CLERISSI objective les images du réel avec une largeur d'expression, une liberté d'invention et une aisance technique qui ne serait pas indignes de bien des maîtres renommés.»
-En 1959 JACQUES DORSAY (critique d'Art à la Galerie Bernheim Jeune, Paris):«CLERISSI éclaire le Faubourg St Honoré de la lumière de la Côte d'Azur ; son œuvre forte et personnelle est en train de s'imposer à Paris.»
-En 1960 RENE DOMERGUE (critique d'Art à la Galerie Bernheim Jeune, Paris):«HUBERT CLERISSI est un reporter-peintre pour lequel les spectacles de la rue ont mille attraits qu'il nous fait goûter d'un pinceau alerte dans une gamme de couleurs aux nuances les plus variées. Représenter Monaco sans faire une carte postale et peindre "vrai", c'est le tour de force qu'a réussi ce jeune peintre.»
-En 1964 S.A.S. LE PRINCE RAINIER III de MONACO:«Ayant suivi Monsieur Clerissi depuis ses débuts, j'éprouve une grande joie à le voir s'affirmer dans son talent, en véritable artiste, préoccupé de rendre dans chacune de ses œuvres la vérité et la beauté.»
-En 1975 JACQUES DUBOIS (critique d'art à la Galerie Laborde, Paris):«CLERISSI porte dans son cœur la nostalgie des années folles. D'autres que lui se sont inspirés de cette page de l'histoire contemporaine. Le résultat en fut souvent une peinture à la manière de Van Dongen ou de Touchargues. Le mérite de CLERISSI est de ressusciter le passé au moyen d'un langage moderne, personnel et ne devant qu'à lui-même».

1 commentaire:

Mathy a dit…

j'ai eu le grand honneur de rencontrer Mr Hubert Clerissi lors d'une exposition de ses oeuvrs à Seraing il y a une dizaine d'années. Il m'a offert quelques litos "re" signées à ce moment. UN grand Monsieur