vendredi 28 décembre 2007

Entretien par dans le journal l'Opinion


Question : On vous connaît en tant qu'artiste peintre dans les années 80 et puis comme critique d'art. Vous avez écrit plus de 1200 articles sur l’art . A l'époque, la fameuse Murale Critique au moment de l'exposition à l'Institut Goethe de Casablanca en témoignait et puis finalement vous avez publié un recueil de poésie au Canada et lancé le prix Bouzghiba de l'humour. Partant de ces belles choses, comment vous situez-vous par rapport à tout le monde ?

Réponse : La question qui me semblerait plus pertinente et plus judicieuse serait la suivante : comment le monde me situe par rapport à ce que je fais ? Concernant mes activités picturales, j'ai toujours considéré la création comme un medium pour exorciser la troublante impression qu'on a du temps. Ce dernier nous presse et nous harasse. Par conséquent, il fallait faire quelque chose pour en dévier la trajectoire et atténuer l’impact. Tenter de magnifier ce qui subjugue subjectivement et se conjugue objectivement tel est le défi artistique que j'étais appelé par une étrange envie de me surpasser à rendre possible. Esthétiser la laideur c'est alléger la lourdeur et égayer la tristesse ambiante . Je m'y étais attelé patiemment tel un maçon devant son édifice. Durant trois décennies je n'ai exposé que six ou sept fois. Faire du tapage pour rien ne m'intéresse pas. Le vrai souci pour moi est avant tout artistique. Il fallait innover. Coté recherche formelle le personnage Bouzghiba qui a été créé pour décongestionner l'humeur sociétale déjà affectée par le stress quotidien est une étape importante dans ma modeste carrière artistique. Heureusement le personnage a été bien accueilli par le microcosme médiatique d'ici et d'ailleurs. Il a ébloui même les canadiens et les portugais. Au festival CINANIMA des réalisateurs de films d’animation m’ont suggéré de porter à l’écran les aventures de Bouzghiba. Ce succès est dû au fait que monsieur Unicheveu est un produit de la société moderne. On a sympathisé avec lui parce que sa mouture iconographique plaisait aux gens. Je me rappelle que durant l'exposition du Goethe Institut une plasticienne marocaine à ne pas nommer a visité l'exposition plusieurs fois et à chaque fois qu'elle se pointait devant le portrait de Bouzghiba elle se mettait à rire aux éclats. Un des employés de cet établissement éducatif m'en avait fait la remarque. Je m'étais dit en moi-même :"Tant mieux, il y'a de la joie à mettre en partage via la peinture". Le personnage est sincère et il communique avec le public sans faux fuyants ni ambages. J'estime qu'après ma mort , le prix international de l'humour lancé en son nom me ressusciterait car il y'aurait de part le monde un continuateur ou une association de fans pour parfaire l'œuvre commencée ; pourvu que l'on ne trahisse pas le principe et l'esprit de l'initiateur qu'est votre serviteur. Concernant mon livre paru au Canada sous l'intitulé : "Au delà de l'Artifex, je dis" j'ai eu autant de satisfactions que de déceptions. En effet, si les canadiens ont accueilli les bras ouverts cette modeste création en se montrant sensibles et avides de belles lettres. Je n'ai pas eu dans mon pays les encouragements pour poursuivre avec autant d'enthousiasme le cheminement lyrique. Mais l'adage qui dit : "Nul n'est prophète en son pays " me rappelle que je ne suis pas le seul dans cette galère. La peinture m'a aidé à supporter le calvaire. Je vous rappelle qu'une fois le livre est édité à Montréal on consacra un programme de trois émissions radiophoniques à l'étude de son contenu .Qui aurait rêvé d'un tel hommage en terre étrangère? Le plus beau dans tout cela c'est que je ne connaissais pas ces intellectuels qui se sont relayés pour décortiquer mes textes .Quand j'avais reçu l'enregistrement de l'émission "Confidences littéraires" qui est foncièrement réservée aux auteurs québécois j'ai failli tressaillir par l'intensité de l'émotion .Aujourd'hui , quand la solitude et la nostalgie me prennent entre leurs griffes, je me console en réécoutant l’enregistrement. Je ne rêve que d'une chose : rencontrer ces artistes qui sont à l'autre bout du monde. J'ai hâte de serrer chaleureusement la main de l'essayiste Jean Laflamme, le professeur de littérature Jean Neuvel, la critique littéraire Renée Legris qui est une des rares spécialistes de la littérature radiophonique francophone sans oublier les comédiens du théâtre de l'Aube de Montréal Guy Gascon , Richard Faubert, Margo Monette... Je désire leur dire Merci pour avoir manifesté de manière naturelle autant de passion, de compassion et d'engouement pour mon écriture. Ils n'ont jamais vu mon visage mais ils ont pu jeter une passerelle entre les deux rives de l'Atlantique. Une sorte de pont d'amitié dont je n'arriverais jamais à décrire les soubassements avec des mots.

Entretien réalisé par Ahmed Bakkali


mardi 25 décembre 2007

Razak avce des célebrités


JOAN BAEZ, POPAS LE DESSINATEUR ROUMAIN , ABHISHEK BACHCHAN, MOHAMED OSFOUR, MICHEL BOUJUT ,CLAUDE SAUTET ET GIUSEPPE TORNATORE

MANIFESTE

MANIFESTE

Au début des années 90 du siècle dernier, le suivi assidu des activités culturelles et artistiques organisées au Maroc, nous a conduit à l’élaboration, à la fin de chaque année, d’un Palmarès Symbolique des Arts. Nous en avions émis consécutivement trois, par voie de presse. Le premier Palmarès a eu lieu en 1990; le second en 1991 et le troisième en 1992, année charnière, où nous avions organisé au Goethe Institut de Casablanca une exposition humoristique autour du personnage pictural Bouzghiba. Il fallait décongestionner l’humeur déjà affectée par le stress quotidien.

Monsieur «Uni-Cheveu» (alias Bouzghiba) a reçu l’approbation et l’appui moral de nombreuses figures de l’art marocain et de la communication
Avec son œil turgescent, son cou longiligne, son regard presbyte et ses trois mèches flottantes sur son crâne et puis surtout son géantesque peigne, Bouzghiba a séduit la foule. Dans un premier temps, il apparaît avec les membres de sa famille sous forme de tableaux de peinture, avant de se révéler au public sous sa forme graphique. Il a à son actif deux éventements à caractère mondain: le happening organisé sous le thème Tamazouge aux Ateliers de Céramique d’el Oulja (Salé), dans lequel on a tenté de rapprocher les arts visuels des arts artisanaux et l’intrusion dans le domaine de la presse écrite pour guider les cinéphiles (le quatuor Bouzghiba a meublé la rubrique graphique Le Cinéphile éduqué parue hebdomadairement dans la page cinéma du journal l’Opinion).
Ainsi, après un répit, le voilà qui revient pour/avec un palmarès d’un genre nouveau. Désormais, il va récompenser les performances individuelles ou collectives qui se seraient distinguées dans le domaine du rire et de l’humour édifiant. Bouzghiba a un faible pour le rire intelligent et évite la vulgarité. L’humour spirituel est un ingrédient recherché, parce qu’il nous permet de se défouler, en riant ou souriant de choses non risibles. Le rire méchant mène au cynisme, mais le rire subtil élève l’âme et rafraîchit le cœur. -«Il faut rire avant que d'être heureux, de peur de mourir sans avoir ri» disait Jean de La Bruyère. Faisons en sorte que l’humour fin qui déclenche de telles jouissances nous fasse rapprocher du meilleur de nous-mêmes et des autres.
RAZAK

في بداية التسعينيات من القرن الماضي ,كان لقراء الصحافة المغربية , موعد مع بلمريس رمزي للفنون, أحدثناه من اجل النهوض بالتعبير الفني بكل تجلياته. وتم إصداره طيلة ثلاث سنوات متتاليات, لتتويج الكفاءات الفردية والجماعية التي تميزت طيلة السنة. وكان آخر بلمريس فني في 1992 , السنة التي عرفت نقطة تحول هامة بالنسبة لمسارنا الفني المتواضع , ألا وهو العرض التشكيلي الذي أقمناه بالمركز الثقافي الألماني بمدينة الدار البيضاء, حول شخصية بوزغيبة الهزلية . هدا الكائن التشكيلي دو الملامح المسلية , حضي باهتمام النقاد والصحافيين , كما تلقى عبارات التشجيع والترحاب من عدد كبير من الفنانين التشكيليين والسينمائيين ك عبد اللطيف الزين, التشكيلي المعروف والسكرتير العام السابق للنقابة الوطنية للفنانين التشكيليين , واحمد بن يوسف, الرسام المغربي الأكثر تتويجا داخل وخارج المغرب, ومحمد عصفور أب السينما المغربية , واحمد البقالي الناقد الفني الذي واكب جيل الرواد من عيار الشرقاوي, والغرباوي, والودغيري , وكوراد ,الرجل الفولاذي الذي سجل اسمه في كتاب جينس للأرقام القياسية, والذي اشتهر بجر طائرة بشعره, واديب المشرافي , والصحافية الزوهرة فلتشيفا , وقيدوم التقنيين المختصين في آلات العرض السينمائي بنزيدان بربك, والصحافيين عمر عبد السلام و جمال عدوي , والصحافيتين سميرة مقداد , وسعيدة شريف,والمحلل الصحفي الكاتب مصطفى حيران , والكاتب والناقد البحتري , وغيرهم كثير ممن حيوا التجربة مند انطلاقها وتمنوا لبوزغيبة أياما مديدة وحياة مليئة بالعطاء . فبعد ظهور بوزغيبة للملا توقفنا عن إصدار تلك البلمريسات الرمزية لكي نهتم بالمولود الفني الجديد.فكانت أول تظاهرة فنية يساهم فيها كفاعل ديناميكي , في تحدي لكل المعوقات والعراقيل , تلك التي أقمناها بمعامل الولجة بمدينة سلا, تحت شعار" تمازج" والتي حاولنا من خلالها تقريب الفنون التشكيلية من الفنون التقليدية. كذلك ظهر بوزغيبة وعائلته المرحة في شكل رسوم ملمحية ثابتة لإرشاد وتوجيه محبي السينما, في أول تجربة من نوعها تخص الإعلام المكتوب , تبنتها إحدى الجرائد المغربية الصادرة باللغة الفرنسية .كما ظهر عدة مرات كرسم كاريكاتوري ليعزز مقالات نقدية من توقيع مبتدعه, أي الشخص المتواضع الذي يخط هده السطور .كما خاض تجربة الطبع على القماش بنجاح . واليوم , فهو يطل على الجموع في حلة جديدة ليعلن ميلاد بلمريس من نوع خاص ألا وهو احدات جائزة الفكاهة والمرح والتي ستمنح لمن يستحقها.فجائزة بوزغيبة لسنة 2005 كانت من نصيب باتريسيا بيسينيني الفنانة التشكيلية الاسترالية التي استطاعت أعمالها النحتية أن تخلق أطرف قصة وأغربها في العالم العربي, في الشهور الأخيرة من سنة 2005
.الحائزة التانية كانت من نصيب منشطي الحصة سي باسورسي التي تبتها قناة فرنسا3.
أما المتوج المحظوظ لهده السنة فهو الفيزيائي والفنان ثيو جانسن.
رزاق عبدالرزاق









Le prix Bouzghiba sur le net

Le prix Bouzghiba de l'humour sur le NET
WWW.fr.allafrica.com
WWW.casanet.net.ma
WWW.123news.org
WWW.marocfeed.com
WWW.top-debats.info
WWW.papamamanbebe.net
WWW.zewol.net
WWW.vihinfo.net
WWW.ebabylone.com
WWW.leguide.ma
WWW.get-first.com
WWW.world-travellers.eu
WWW.manara.ma
WWW.cmca-med.itnetwork.fr/fr/la-lettre/MediterraneeAudiovisuelle
WWW.cmca-med/(versionarabophone)
WWW.maghrebin.net/
WWW.aawsat.com
WWW.pressindex.com
WWW.muestrarios.org
WWW.blauerbote

Razak vu par Ahmed Bakkali

Bakkali contemplant le trophée Bouzghiba 2007 decerné à Theo Jansen


S'il m'arrive de m'interroger sur les céans artistiques et sur l'apport de certains artistes peintres, poètes, philosophes ou comédiens dédiant leurs oeuvres à la postérité, je retiendrais certaines augures ou dimensions ultra illuminées. En somme, des irréductibles qui dédaignent et apostrophent le bas monde sans rechigner. Ils sont pertinents, ils n'ont pas froid aux yeux, mais ils ont chaud au coeur quand on leur parle d'art et de progrès social. Ils sont véridiques, ils apostrophent le pérenne parce qu'ils sont sincères. Ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes, mais la société qu'ils ont tant servie ne leur a pas rendu la pareille.Tel que je le connais bien, comme je l'ai connu par la passé , RAZAK en tant que poète ou artiste peintre ou critique de cinéma est pour moi une partie du patrimoine culturel marocain ou artistique, et jusqu'à preuve du contraire. Combien y a-t-il de poètes marocains dont on a édité le recueil de poésie au Canada? Je ne veux point paraître sévère ou méconnaître le talent de tous ceux de ma génération qui ont côtoyé les grands écrivains tels que Jean Genet ou bien d'autres dont je ne peux citer le nom, RAZAK, malgré tout ce qu'on peut penser de lui est avant tout une plume dont on doit être fier. Les poètes marocains francophones se comptent sur le bout des doigts. Dans le domaine de la peinture il a créé le personnage pictural humoristique Bouzghiba. Aussi le Bouzghiba Award qu'il a lancé vers la fin de l'année 2005 et dont une des toutes premières lauréates n'est que la sculpteuse australienne Patricia Piccinini a pour but d'auréoler les performances artistiques qui se sont distinguées durant l'année dans le domaine de l'humour. RAZAK a bel et bien imaginé et créé son fameux personnage Bouzghiba et puis son prix symbolique soit pour récompenser ou fustiger certaines actions. Son personnage fétiche qui n'est en fait qu'une certaine autocritique des égards ou des mésaventures de nos sociétés est une magistrale leçon, correction des moeurs et clin d'oeil non dénué de message pour notre civilisation, sorte de poème ou d'écriture graphique dosée par un certain humour. Bouzghiba est inquisiteur, redresseur de tort, non un tortionnaire vulgaire. Tel calvaire à subir et à conjuguer au quotidien. RAZAK un conteur novateur, un narrateur sublime, un tout à la fois, une forme de culture à doubles tranchants, mais qui apporte des bouffées d'oxygène en vue de redresser notre ambiance quotidienne. Baume au service de la société humaine et universelle, le rire est le meilleur remède contre la morosité des jours.
Ahmed Bakkali

dimanche 23 décembre 2007

LE PRIX BOUZGHIBA 2007 EST DECERNE A THEO JANSEN


COMMUNIQUE DE PRESSE
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LE PRIX BOUZGHIBA 2007 DECERNE AU PHYSICIEN ET ARTISTE THEO JANSEN
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Partant des mêmes critères de sélection, d’universalité et de la même rigueur d’appréciation, nous avons le plaisir de décerner notre Prix annuel Bouzghiba-Award de l’humour au physicien et artiste néerlandais Theo Jansen. L’oeuvre originale de ce créateur aiguise notre curiosité. Elle illustre de manière éclatante un point de jonction entre l’art et la science, le génie mécanique et la sensibilité artistique. Grâce à l’ingéniosité de ses sculptures mobiles l’art cinétique devient à la fois ludique et spectaculaire. Le trophée (un tableau de notre création) s’inspire de son œuvre afin que l’heureux lauréat sache à travers ce coup de cœur qui lui est destiné l’importance du message de sympathie et de reconnaissance pour aller de l’avant. La concurrence entre les différents postulants à ce prix symbolique a été rude. Mais Theo Jansen semble se détacher du lot car il mérite plus qu’un clin d’œil mais un fervent hommage plein de magnificence. Bravo à notre nouveau lauréat.
A rappeler que les deux premiers Prix Bouzghiba ont été décernés respectivement à Patricia Piccinini (2005) et aux animateurs de l’émission TV «C’est pas Sorcier » (2006). Plus de 20 sites Web en ont fait écho .Cela prouve que nos verdicts ne sont pas dénués d'objectivité et de véracité .

RAZAK
BP: 8813 Rabat-Agdal, MAROC
Tel GSM: 068488481
E-Mail:razabder@yahoo.fr
raz.abder@hotmail.fr
http://bouzghiba-awards.blogspot com

lundi 30 avril 2007

dardacha-17- La cotaton artistique en question


DARDACHA-17-La cotation artistique en question
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CHAT ENTRE LE PERSONNAGE BOUZGHIBA ET SON GENITEUR
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-Bouzghiba: Est-on assez mûr pour parler de cotation artistique au Maroc?
-Razak: Il est prématuré d’en parler puisque officiellement le statut de l’artiste
marocain n’est pas encore entré en vigueur et le milieu est gangréné par le plagiat, la corruption et le népotisme. Il faudrait d’abord assainir et purifier les connexions, sinon on risque de fausser les valeurs d’un marché qui n’est qu’à l’état embryonnaire. Pour l’asseoir sur des bases solides, il faudrait éloigner les intrus. L’iconographie marocaine n’est pas très ancienne. Au 18e siècle la colonisation du pays a été accompagnée par l’entrée en scène des orientalistes dont certains sont venus au pays pour étudier les mœurs de la société marocaine, afin d’en faciliter la domination. D’autres ont choisi le Maroc par admiration et ils y sont restés jusqu’à leur mort.
-Bouzghiba: Que reprochez-vous à ces spéculateurs?
-Razak: Il faut faire la part des choses. Ce que je crains, c’est la marchandisation à outrance qui ferait élever le pécuniaire au détriment de l’historiographique.
L’appréciation de cette ichnographie hétérogène est souvent marquée du sceau du subjectif. Ceux qui ont côtoyé le peintre défunt Jilali Ghrabaoui savent qu’il n’a laissé que quelques dizaines de tableaux. Mais si l’on compte aujourd’hui les vrais faux Gharbaoui détenus par des particuliers, l’on se rendra compte que le chiffre se dilate pour atteindre le millier. Comment va-t-on séparer l’ivraie du bon grain? Gharbaoui avait l’habitude de donner des titres à ses tableaux. Vous voulez piéger ceux et celles qui possèdent des tableaux de ce peintre mort dans la misère, alors demandez-leur le nom de ce qu’ils ont comme peinture. A Drouot ou à Sotheby’s on ne présente pas aux enchères des œuvres avec de telles lacunes historiographiques.
-Bouzghiba: Que feriez-vous si vous étiez commissaire-priseur?
-Razak: Où çà, à Sotheby’s ou Dar el Bacha ?
-Bouzghiba: Dans l’une des salles de ventes casablancaises?
-Razak: Il faudrait redoubler de vigilance. Pour les peintres de la jeune génération, il faudrait privilégier les gens cultivés qui savent ce qu’ils font. Les « cartepostalistes» et les naïfs doivent faire preuve d’émancipation. La contemporanéité exige de la transcendance et de la perspicacité. Elle a horreur de l’immobilisme. Il n’y a qu’à contempler l’œuvre monumentale de Picasso. L’homme ne s’est jamais contenté d’un seul style de peinture. Il en a créé toute une foultitude.
-Bouzghiba: Vous sortez le nom d’un autre pionnier de l’art marocain qui est de
confession juive, est-ce pour cela qu’on a empêché la parution de votre point de vue?
-Razak: L’apport de Raphaël Kohen a toujours été négligé, parce qu’il était un peintre figuratif. Aux années 60 du siècle dernier, la vague des «abstraitistes» plus ou moins intellectualisés a laissé des traces pour ne pas dire séquelles. L’art semblait marcher avec les pas d’un unijambiste. Les conservateurs voulaient diaboliser le dessin, mais ils oubliaient que tous les chauffeurs ayant un permis de conduire ont appris le code de route grâce au dessin. Aussi la seringue que l’infirmière utilise dans ses injections intramusculaires ou veineuses est la matérialisation d’un dessin. L’avion qui les transporte au pèlerinage est la concrétisation d’un dessin coté.
-Bouzghiba: Coté, cotation, vous voulez me briser les côtes et me mettre Ko?
-Razak: Un dessin coté est un dessin où l’on indique les dimensions. Dans le dessin industriel, il n’y a pas de place pour la fantaisie. La moindre erreur de calcul peut se répercuter sur la pièce à usiner. Dans le dessin d’art il y a plus de liberté.
-Bouzghiba: Croyez-vous que les radicaux de l’orthodoxie «anti–art» peuvent vivre sans les produits dérivés du dessin?
-Razak: Il est impossible à moins que l’on revienne à l’âge de la pierre taillée, c'est-à-dire moudre le grain avec le «Rha» qui est une meule traditionnelle actionnée manuellement, ne pas porter des vêtements cousus à la machine, ne pas boire l’eau du robinet car il y a un tas d’appareils mécaniques et d’ouvrages de traitement qui l’ont produite et puis qui sont la suite logique d’un dessin. Le robinet lui-même est-il sorti du néant? Ils ne doivent pas utiliser de fourchette, de cuillères, de cocotte-minute, de bonbonnes de gaz, car les premiers prototypes de ces ustensiles sont accompagnés de dessins. Les brevets d’invention en font état.
-Bouzghiba: Au Maroc, les premières expositions d’art plastiques ont été encouragées par les colons, mais l’on manque toujours de musée des Beaux-arts?
-Razak: Jean Baldoui qui y avait pensé prématurément a pu rassembler un certain nombre de tableaux des anciens coloristes. Malheureusement, après sa mort, on jeta à la poubelle toute cette collection. Le photographe Bouâmri qui travaillait au ministère des affaires culturelles a pu en conserver quelques uns. La cotation artistique aurait dû prendre son envol naturel si on avait suivi le chemin qu’avaient pris l’architecte Packard qui introduisit les œuvres d’art au parlement, Madame de Brodskis qui format les tous premiers peintres non naïfs tels Kacimi et Azema qui avait initié Ben Allal et puis Gaston Mantel qui faisait partie de l’école du Manoir. Ces peintres décédés avaient bien animé la scène picturale de l’époque. La cotation aurait commencé par ces artistes qui étaient conscients de la chose. Les Marocains se sont réveillés tardivement sur le phénomène des ventes aux enchères d’œuvres d’art. L’on s’étonne aujourd’hui que des profanes veuillent qu’on les prenne pour des collectionneurs et des connaisseurs d’art. Nous savons qu’il y a beaucoup de déchets parmi les objets rassemblés.
-Bouzghiba: L’on remarque que le ministère de la culture fait profil bas quand on évoque la cotation. Quelles en sont les raisons d’après-vous ?
-Razak: «Fakidou Achayeî Layouâtih». A traduire par ceci: celui qui perd un objet ne doit  pas dire qu’il l’a donné. Le statut de l’artiste a souffert d’un atermoiement pathologique. Si les bureaucrates du ministère de tutelle ouvrent leur bouche on leur  rétorquera: mais où est le statut de l’artiste? Voilà l’une des raisons qui expliquent ce silence complice.  
-Bouzghiba: Vous dites que le statut de l’artiste n’est pas encore entré en vigueur, alors sur quels critères se base-t-on pour accorder les bourses de la «Cité des Arts» qui se trouve en France?
-Razak: On m’a dit qu’il y a une commission qui s’en charge, mais je ne connais pas les critères de sélection. On attend toujours qu’on nous montre les travaux des premiers bénéficiaires, pour juger de la véracité de la chose et jauger les choix de ces «juges d’art». Mahdi el Manjra, le futurologue marocain, a toujours récusé les dérapages de ce qu’il appelle «Lajnocratie». Le mot arabe «Lajna» veut dire commission. Je souhaite qu’il n’en soit pas ainsi.
-Bouzghiba: L’expertise de l’œuvre des artistes défunts pose problème. Que faut-il faire pour clarifier la situation et chasser le doute?
-Razak: C’est un sacré dilemme. L’expertise ne peut pas être assurée par un seul individu et ceci quelques soient ses capacités, sa perspicacité et son habileté. Connaître toutes les «griffes» artistiques n’est pas à la portée du plus commun des mortels. Le ministère des affaires culturelles qui est aussi chargé de la sauvegarde du patrimoine artistique est interpellé. Son laxisme commence à déranger. La première des choses à faire c’est d’organiser un  colloque  pour débattre de la question. Sinon, la gabegie continuera jusqu’au jour du sursaut où l’on regrettera d’avoir laissé pourrir les rouages. La vente aux enchères, c’est de la spéculation. Il faudrait qu’il y ait un minimum d’éthique dans les transactions et le fisc doit obligatoirement intervenir, car il est inadmissible que les smicards paient l’impôt alors que les spéculateurs de l’art en soient exonérés. Il ne faut pas oublier que dès qu’il s’agit d’argent, les prédateurs de l’art sortent leurs griffes et se mettent à louvoyer. Leur gourmandise n’a pas de limite. Par ailleurs, tout ce qui brille n’est pas or. Ils aiment le faux parce que c’est rentable. Mais c’est l’Histoire de l’art que l’on est entrain de falsifier. Il y a anguille sous roche. Comme je l’ai déjà spécifié dans un texte sur l’art contemporain: «La plus grande bataille reste une démarchandisation bien pensée de l’art. Cela ne veut pas dire abandonner le marché de l’art, mais lui insuffler de nouvelles valeurs éthiques, afin d’assainir les mécanismes de son universalisation. Opérer une rupture avec la spéculation inhumaine qui, à force de hausser les enchères, a tué l’art et ridiculisé les artistes. Que signifie un Van Gogh adjugé 80 millions de dollars, alors que de son vivant, cet artiste martyr de l’art ne trouvait même pas de quoi vivre décemment? Cette distanciation plus que nécessaire et cette moralisation sont un impératif pour que la société, déjà en proie à de sérieux morcellements, retrouve sa cohésion. Il lui faudrait un connexionnisme sentimental, une sorte d’Internet du cœur plein de dignité et de probité. Un nouveau concept de culture basé sur l’égalité des chances et le respect du génie créateur. Au lieu du trafic d’argent dont tout un chacun constate les dégâts, il faudrait un trafic de bonheur. Seul, l’art pourrait en procurer à la démesure».
-Bouzghiba: Dans d’autres écrits sur l’art la dualité est omniprésente. Est-ce que c’est prémédité?
-Razak: Que veux-tu dire par dualité?
-Bouzghiba: L’interaction des contraires.
-Razak: C’est dans la nature des choses: thèse, anti-thèse, synthèse. «Il y a deux types d’art avais-je écrit dans l’un deux: l’art vrai et l’art bidon, l’art des portefeuilles gonflés et l’art des crève-la-faim, l’art des bronzés des côtes azurées et l’art des suicidés, l’art des vendeurs et l’art des vendus, l’art des bosseurs et l’art des bossus, l’art utile et l’art futile, l’art des ringards et l’art aux aguets et à l’affût des nouveautés.
Il y a deux types de galeries: les galeries qui prônent comme le parnasse: "l’art pour l’art" et celles qui cherchent le gain matériel et peu importe le reste, les galeries espaces de recherche et de créativité et puis les galeries recherchées par les "cartepostalistes"et par les fous du ready-made, les galeries pour "m’as-tu-vu j’y étais" et les galeries à stylistique convaincante et convaincue, les galeries à axe culturel bien défini et les galeries désaxées culturellement, les galeries-bazars et les galeries estrades de démonstration, les galeries qui savent ce qu’elles font et les galeries qui ne font que tâtonner.
Il y a deux types de critiques d’art: le critique intègre et le critique désintégré, le critique battant et le critique battu, le critique combattant et le critique combattu, le critique visionnaire et le critique révisé, le critique crédible et le critique discrédité qui dribble avec la vérité, le critique menteur et le critique jamais démenti, le critique "chaâbi" (populaire) et le critique qui ressemble à Achâab le gourmet il ne cherche qu’à remplir sa panse, le critique salarié et le critique qu’aucun salaire ne peut contenter.
Nul n’est sensé ignorer ces clivages. Si d’aventure on se rend compte que le tableau acheté à un prix exorbitant n’est qu’une copie de faussaire qu’on vous a glissée dans une galerie qui n’en est pas une et dont la transaction a été bénie par un criticaillon de pacotille, cela voudrait dire qu’on vous a dupé, pour ne pas avoir écouté la voix de la sagesse qui dit: "soyez prudent et méfiez-vous des maquereaux. Une horde de prédateurs rôde autour de vous".
-Bouzghiba: Vous avez une dent cariée contre les faussaires.
-Razak: Ils sont la source de toutes les nuisances. D’abord  ce sont des ratés,  ensuite ils sont entrain de frelater la scène artistique au vu et su de tout le monde. J’aimerais revenir à un autre texte pour montrer là où le bât blesse : «Il n’y a censément pas de différence entre celui qui cherche aveuglement ce qu’il n’a pas trouvé et celui qui trouve facilement ce qu’il n’a pas cherché. Pour qu’un art soit apte de représenter son époque, il importe à cet art d’opter pour la durée et non pour la vanité. Cependant, c’est à l’heure des bilans que sonne celle de la vérité. En fait, qu’en est-il de ces pseudos artistes tous genres et acabits confondus qui, à court d’idée, se plaisent à reproduire d’une manière «tiquée», stéréotype sur stéréotype, ou à refaire ce que d’autres ont conçu. Le public averti en la matière, bien que se comptant sur les doigts de la main est de plus en plus hâtif pour voir se concrétiser ce miracle avidement attendu: l’œuvre accomplie, sachant que celle-ci, de par sa singularité, ne peut émaner que d’un vrai créateur qui surprend avant de convaincre. L’art n’a de peur que des faussaires et non des fantaisistes».
-Bouzghiba: Continuons notre odyssée de démystification. Que dire en conclusion sur la cotation artistique au Maroc?
-Razak: «Il existe deux manières de ne pas aimer l’art», écrivait le poète irlandais Oscar Wilde, «la première est de ne pas l’aimer et la seconde de l’aimer rationnellement». Les zélés de la spéculation qui veulent irrationnellement nous prouver qu’ils aiment l’art «rationnellement», en abordant la cotation artistique au Maroc, qui n’est qu’à son balbutiement, sont entrain de jouer avec le feu. Le domaine dépasse leur compétence. Ils veulent semer la zizanie entre les artistes. Outre la tendance mercantiliste et dépravante, il y a plus de désagréments que de boniments. Dans les pays qui ont une tradition artistique bien ancrée dans les mœurs, c'est-à-dire là où il y a un vrai marché de l’art, de vrais collectionneurs, de vrais critiques d’art et des médias vigilants, la cotation est calculée grâce aux ventes réalisées dans les galeries, salons ou ateliers. La vente aux enchères, quand elle obéit à des règles communément admises, fait monter la cote de certains artistes peu connus ou méconnus du public. Par ailleurs, un peintre cultivé vaut mieux qu’un peintre ignorant. Au Maroc, la situation est plutôt délicate, il n’y a pas un marché de l’art proprement dit et les salles de ventes aux enchères,ouvertes sporadiquement durant ces dernières années, sont dominées par l’amateurisme. Autre désagrément: on a la manie de ne donner de la valeur qu’aux toiles de peintres décédés, comme si parmi les vivants il n’y avait pas de créateurs talentueux. C’est une conception erronée de l’art et une absurdité inesthétique. Si par mégarde, les Parisiens avaient suivi la même voie déroutante, à l’époque où Picasso n’était qu’un novice, vivant au jour le jour, comme un bohémien, on n’aurait pas eu cette chance inouïe de jouir de l’œuvre prolifique et spectaculaire de l’un des plus brillants créateurs de notre temps. Il faut reconnaître que l’œuvre des premiers peintres marocains n’est pas plastiquement fameuse (je veux dire artistiquement). Ben Ali R’bati que certains considèrent tendancieusement comme le père de la peinture marocaine était un coloriste qui ne maîtrisait pas l’art du dessin. Ben Allal doit sa petite renommée à Jacques Azema puisqu’il était son cuisinier. Jilali Gharbaoui reconnaissait volontiers qu’il ne commençait à s’adonner à la peinture abstraite qu’à partir de 1952. Certains de ses tableaux ressemblaient à des ratures vues au fort grossissement. Ahmed Cherkaoui, son émule, n’était pas non plus un Leonard de Vinci pour faire des dessins figuratifs bien proportionnés. L’abstrait était un refuge pour ceux qui ne savaient pas dessiner correctement. Les barrières confessionnelles avaient favorisé le glissement vers une peinture de signes traditionnels, plus proche de l’artisanat que de l’art. Les autoproclamés critiques d’art, manquant souvent d’objectivité, ont omis le nom d’un autre pionnier marocain qui était de confession juive. J’ai déjà évoqué son cas précédemment. Il s’appelle Raphaël Cohen et il est né à Rabat en 1939. Cohen était un peintre figuratif précoce, puisqu’à 14 ans il publia un livre illustré. Le peintre graphiste Gaston Mantel qu’on avait l’habitude de rencontrer à la galerie «Le Manoir» ne tarissait pas d’éloges sur  ce dessinateur  doué, puisqu’il qu’il était son professeur au lycée Gouraud. De son vivant, Mantel ne comprenait pas pourquoi on l’excluait du répertoire marocain, malgré sa fécondité créatrice.
En matière de cotation, la contemporanéité ne doit pas s’engouffrer dans le passéisme castrateur et s’enliser dans les abysses du «has been». Elle doit privilégier (comme son nom l’indique) le contemporain «bon vivant» et non pas celui de la nécrologie, des sarcophages  et des sépultures. L’art, avant d’être appréhendé sous sa valeur marchande, est expression libre et débridée. L’affairisme post-mortem est la spécialité des spéculateurs cupides. Qui ne se souvient pas du calvaire des deux martyrs de l’art Van Gogh et Modigliani avec les charognards de l’art?
-Bouzghiba: Et à propos de l’art naïf?
-Razak: Une absurdité en cache souvent une autre,  l’art naïf qui est une des tares résiduelles du colonialisme trouve toujours acquéreur au Maroc, malgré la grossièreté de cette peinture. On est au troisième millénaire et on continue de privilégier la peinture naïve au détriment de la peinture intelligente. Certes, les Français avaient leur Douanier Rousseau, mais ils avaient aussi Delacroix, David et Georges De La Tour qui étaient des peintres habiles qui savaient non seulement dessiner impeccablement, mais aussi peindre en respectant les dosages pigmentaires. Il faut encourager les talents bourgeonnants et diversifier les styles intelligents qui s’éloignent des sentiers battus et puis qui aspirent à des horizons inédits, en favorisant l’enrichissement culturel. Entre le décoratif et la narratif, l’artiste doit trouver la voie idoine. Il ne doit pas se contenter d’une seule démarche, il doit densifier son œuvre et intensifier ses recherches, afin de donner à autrui l’impression que son art n’est pas figé et qu’il ne se cantonne pas dans le déjà-vu de manière stéréotypée. Aussi, le plagiat est à combattre, notamment quand il prend des raccourcis délictueux menant tout droit au vandalisme pictural. Picasso dans sa jeunesse avait copié des tableaux de maîtres, mais il ajoutait la fameuse formule «d’après…» à sa signature. Copier une toile de maître sans mentionner son nom, c’est de l’anti-art, du vol.
-Bouzghiba: Qu’en est-il de l’Hexagone?
-Razak: En France, on est arrivé à une étape intéressante dans le «répertoriage» des artistes cotés. Larousse assure la diffusion de deux documents fort utiles: «Le dictionnaire Drouot de cotations des artistes» et le «Guid’Art». Le Fond National de l’Art Contemporain (FNAC), la Foire Internationale d’Art Contemporain (FIAC), les salons et les biennales permettent de réactualiser les données de ces documents, d’où leur importance dans le milieu de l’art en Hexagone. On regrette que des peintres marocains ayant longtemps vécu en France n’y soient pas répertoriés. N’ayant pas réussi à percer au pays de Delacroix, ils sont revenus au pays natal pour tout recommencer à zéro. Il y en a qui disent qu’íls sont à califourchon entre Casablanca et Paris comme si c’était un signe positif de démarcation. Les ventes aux enchères organisées au Maroc pourraient jouer un rôle positif dans l’évolution de l’art, à condition que l’objectivité soit alliée à la transparence. Il faudrait beaucoup de sérieux et de vigilance. Car quelque soit la pertinence des soi-disant commissaires-priseurs accrédités et des «experts», si expert il y a, les tableaux des artistes morts constituent, comme on l’a déjà signalé, un vrai casse-tête, car les copies de faussaires sont légion. Elles constituent une entrave. Les procédures d’authentification paraissent tellement compliquées. On ne peut pas parler de cotation en l’absence de créneaux spécifiques, de garde-fous juridiques et de médias objectifs. Ce que des plumitifs hâtifs ont publié sur la cotation au Maroc a suscité l’ire des puristes. C’est tellement partial et fantaisiste que l’on commence à se demander qui est derrière cette intrusion aux desseins inavoués? Chacun cite ses peintres préférés et l’on oublie les autres, par méchanceté ou par Gharadisme (dans le jargon marocain le mot Gharad veut dire besogne). On nous parle de galeristes, mais on ne voit que des «boutiquiers-bazaristes». On nous parle de critiques d’art, mais on ne voit que des écrits-tics d’art encenseurs et des étalages de mots faits pour plaire et non pour questionner le futur et décortiquer le présent. Un critique qui écrit sur commande n’est pas un critique d’art mais un mercenaire. Qui dénonce ces tares handicapantes est traité de flic et d’on ne sait quel autre superlatif  insultant. Les vrais critiques d’art ne sont pas nombreux au Maroc et ceux qui ont une signature à respecter n’éprouvent plus le besoin impérieux d’explorer le champ artistique. La scène picturale est sclérosée. Un banditisme discret de contrefaçon est entrain de miner le milieu. Dans la capitale du pays, les galeries qui avaient de la rigueur dans leurs choix picturaux ont fermé leur porte. «Le Manoir» et «L’Atelier» deux galeries autrefois dirigées par De Maziere et Albert Pilot ne sont plus dans l’actualité picturale de tous les jours. Il en est de même pour la galerie «Arcanes». A Casablanca la galerie «Nadar» qui avait accueilli de prestigieuses expositions comme celle d’Hubert Clerissi, le peintre de Monaco, ne fait plus parler d’elle. Il en est de même pour «Bassamat». Ce recul s’est répercuté sur la créativité artistique. Les bonnes expositions se font rares et ceux parmi les peintres de la deuxième génération qui parviennent à se maintenir dans le circuit visent le commercial. La peinture alimentaire domine la peinture d’école. D’une manière sous-jacente, la critique alimentaire a supplanté celle qui se sacrifiait à l’art. Ainsi, au lieu d’innover, on consacre la stagnation et la redondance. Comparons (toute proportion gardée) l’œuvre graphique de Matisse à celle de l’un des graphistes marocains dont on dit dans certains cercles fermés qu’il a la cote. Dans le premier travail on trouve une variété de thèmes, mais dans le second on concentre l’effort sur un quadrupède nommé cheval. On aurait souhaité que le peintre marocain élargisse sa vision pour épouser l’universel, en diversifiant les thèmes. Il n’y a pas que les chevaux à «iconographier», les humains sont, à mon humble avis, plus importants. Ce peintre n’est pas le seul à ressasser les mêmes lapsus picturaux. Il n’y a qu’à voir le catalogue des peintres officiels qui représentent le Maroc dans les manifestations transculturelles, pour se rendre compte de cette monotonie agaçante.
-Bouzghiba: Que dire sur le rôle des médias?
-Razak: Le rôle de la presse et des médias audio-visuels est non négligeable. Mais on est révolté par la médiocrité des deux chaînes locales. Les émissions consacrées à l’art sont d’une mièvrerie écœurante. Le clientélisme bat son plein. Les plateaux de télévision s’offrent au plus offrant, quand aux vrais créateurs qui ont de la dignité dans leur ADN, sont marginalisés. N’importe quel gribouilleur ou teinturier maladroit usant de quelques sous distribués, à gauche et à droite à des rapporteurs besogneux, peut accéder aux plateaux de télévision, pour annoncer au public dans un geste cabalistique d’autoglorification qu’il est Zeus de la peinture moderne et qu’après lui il y aura le Tsunami. Quand il échoue, il se réfugie dans le corporatisme pseudo syndical pour avoir sa part de la rente publique, comme un mutilé de guerre. Le plus drôle dans cette affaire, c’est que quand les spécialistes voient son accrochage, ils sortent de l’exposition dépités par le dégoût. La faute incombe à ceux ou celles qui lui ont cédé le micro pour raconter des bobards et des historiettes à dormir debout. Dans ces émissions bâclées le hors-propos y a atteint son paroxysme. Un simple dessin biscornu les met en extase. Les métaphores enjolivant leur discours abondent. Une esquisse d’arbres mal juxtaposés devient chez ces commentateurs sachant mal commenter un reflet édénique et puis si on leur accorde plus de temps, ils nous parleront complaisamment de symphonie boréale et d’oasis féerique, alors qu’il ne s’agissait que d’une imitation plate de la nature, commise par un peintre du dimanche. Un tableau de Salvador Dali vous transporte dans un univers fantastique. On attend que des peintres marocains fassent de même, non pas en imitant ce talentueux peintre catalan, mais en explorant le vaste champ onirique du subconscient, en se fiant à ce qu’on a en réserve dans le très fond de l’être. Au lieu de copier la nature béatement, il faudrait la transcender. Les deux chaînes TV laissent passer ces stupidités, car elles adorent le remplissage fade. Il faudrait mettre un terme au clientélisme et à l’inculture qui sévissent dans ces chaînes fourre-tout. Aussi, il faudrait recruter des gens cultivés qui connaissent l’histoire de l’art, ses diverses techniques et l’actualité artistique mondiale, pour présenter des émissions de qualité. Le but étant de magnifier des œuvres artistiques dignes d’intérêt et non de montrer le gribouillis de cancres avec de la masturbation intellectuelle, en sus. A quand une purge et un lessivage salutaire de nos médias audiovisuels? Quand aux intrus qui veulent faire de la cotation artistique leur bizness, nous leur disons occupez-vous de ce qui vous regarde. L’art est l’affaire des artistes. C’est le talent qui détermine la cote et non pas les spéculateurs cupides qui cherchent à s’enrichir sur le dos des peintres disparus ou qui agonisent.

vendredi 23 février 2007

DARDACHA-16-Jeaneration





DARDACHA-16-Jeaneration
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CHAT ENTRE LE PERSONNAGE BOUZGHIBA ET SON GENITEUR
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Bouzghiba: L’histoire du blue-jean est fantastique. Vous vous y êtes intéressé pourquoi?
Razak: Parce que le blue-jean c’est le vêtement du confort, de l’élégance, de la jeunesse et de la sobriété. Hommes et femmes le portent parce qu’ils s’y sentent bien. Pour ce qui me concerne, je le porte depuis des décennies et je crois que même en atteignant l’âge de 90 ans, pourvu que le destin me gratifie de cette longévité, je m’en vêtirais.
Bouzghiba: Beaucoup de gens portent du jeans mais rares sont ceux qui connaissent son histoire fabuleuse. Veuillez nous en rappeler les principaux chapitres?
Razak: Le blue-jean est plus ancien qu'on ne le pense. Son histoire remonte au Moyen Age. Conçu initialement pour servir d’uniforme de travail, (marins, mineurs, ouvriers agricoles…) le jeans devient aussitôt le vêtement mass people. Quand la mode s’en empare, il devient un vêtement de luxe. D’un siècle à l’autre, il changea de signifiance. D’origine européenne, le jeans était parti à la conquête de l’ouest, tel un pionnier attiré par l’«Eldorado américain» (the american paradise). Il retourne au bercail sous une forme beaucoup plus stylisée. Sur-teint, délavé, usé, enduit, frotté avec des pierres volcaniques, le jeans a subi des traitements de plus en plus complexes. Alors revoyons les principales escales de son épopée épique.C’est dans la ville de GENES (Genova, Italie) que le jeans trouve ses racines. En effet, le mot jeans serait un anglicisme et une contraction du mot GENOVESE, épithète attesté dès le XVIème siècle dans le OLD ENGLISH DICTIONNARY. A Gênes, les marins couvraient leur corps avec cette étoffe inusable et infroissable. Entre le français et l’anglais le mot a pris des formes successives (gene, jene, jeyne, jayne, jane). Il désignait d’abord la toile dont était fait le vêtement puis le vêtement lui même. En France, la jeanerie désignait le lieu où l’on vendait des jeans et le jeaneur est celui qui fabrique le jean. Sa coloration bleue est due à un colorant naturel appelé indigo .Il est extrait d’une plante appelée l’indigoferia (l’indigotier). Plus tard, la chimie synthétique parvient à trouver la formule (C16H10N2O2) grâce aux travaux du chercheur Adolph Von Bayer. Or, en parlant de jeans, il est inévitable d’évoquer le denim, c'est-à-dire la serge de Nîmes. A une certaine époque, la ville française Nîmes fut l'un des plus actifs centres de production de textile en Europe. La toile de Nîmes, qu’allaient enfiler les pionniers du Far West et les cow-boys, non sans satisfaction, était tissée dans des débris de coton. La serge de Nîmes était utilisée pour la fabrication des voiles de navires et des bâches de chariots de marchandises. Par commodité langagière, on appela ce jeans à bretelle un denim. Les techniques de délavage à l'eau de javel ne sont apparues que tardivement. Le stone washed (lavage à la pierre) ce procédé de décoloration s'effectuant en utilisant des pierres ponces (provenant d’un volcan éteint en Turquie) permet de gommer la couleur du jean. C’est à Nîmes que le "bleu de travail" a vu le jour pour la première fois. Le tissu classique du jeans est commercialisé en Europe, sous l'appellation "serge de Nîmes". A cette époque, un denim sergé signifiait (et signifie toujours) un jeans de qualité.En 1849, San Francisco n'était jusqu'alors qu'une petite bourgade sous-développée. L’ex-colonie espagnole connut un essor prodigieux avec la découverte de l’or. Le jeans connut à son tour un destin aurifère grâce au génie de Levi Strauss, un émigré allemand issu de Bavière. Ce personnage, né le 26 février 1829 à Buttenheim, eut l’intelligence instinctive de confectionner un pantalon confortable et solide à partir de cette toile grossière.«Les pionniers de San Francisco, sans doute à cause de la présence de marins génois dans le port, ont bien vite fait la relation et créé l'amalgame, écrit un historien. Les premiers vêtements ressemblaient étonnamment à ceux des marins, d'où la rapide utilisation du terme jean pour les désigner».Le premier "jean" LEVI'S était coupé dans cette toile à fortes trames, pour satisfaire la demande d’un pionnier qui réclamait un pantalon adapté aux travaux de mine. La société LEVI STRAUSS and Co. prospère très vite et aucune concurrence ne semble de taille à lutter contre son monopole. Ces jeans primitifs n’avaient pas de poches arrière, ni passants pour la ceinture. C’était des jeans à bretelles. Vers 1860, Levi reçoit des étoffes de l'authentique Serge de Nîmes de couleur Indigo. Cela ajoutait un dièse à la réputation de sa manufacture.L’épopée du blue-jean est favorisée par trois facteur: Primo: la découverte de l’or comme il est signalé auparavant. Deusio: la construction des premières lignes de fer .Tercio: le cinéma. Tout le monde voulait avoir du jeans aux jambes. Mais un jeans sans rivets de cuivre, c’est comme un texte sans ponctuation. En 1870, Jacob Davis, tailleur de profession, prend contact avec Lévi Strauss pour améliorer la qualité du produit. C’est à Davis que revient l’idée de riveter les angles des poches pour les rendre plus solides. Un mineur appelé Alkali Ike, se plaignait de la fragilité de ses poches sous le poids des pépites d'or. L'astucieux tailleur trouva la solution idoine. Les deux associés déposèrent alors une patente pour les nouveaux "overall's rivetés". En 1886 apparaît la première "griffe" LEVI'S sous forme d’une étiquette de cuir représentant deux chevaux tentant d'écarteler un jeans. Bientôt, ils seront suivis par les deux autres «grands» du jeans, Lee et Wrangler qui déposèrent à leur tour leur marque. Le fameux jeans reste cantonné aux États Unis jusqu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. L’Europe lui ouvre les portes de la mondialisation.
Bouzghiba: Que dire du come-back européen?
Razak: Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les américains entrèrent en guerre contre les nazis et le jeans faisait partie de l'équipement de base de tout soldat américain. C'est à cette époque que le jeans fait son come-back en Europe, avec en sus, du cuivre aux coins stratégiques du vêtement. Cependant, les clivages idéologiques apparus après la guerre, entre le capitalisme et le communisme, rendirent la vie dure au blue-jean. Les communistes interdisaient son utilisation car le jeans était perçu par les idéologues du stalinisme et les agit-prop, comme une dégénérescence du capitalisme. Mais malgré l’intransigeance du système bolchevique, les jeans entraient dans le pays clandestinement. Avec la Perestroïka, le jeans commence enfin à concilier l’inconciliable.Après la chute du mur de Berlin et l’effritement du bloc communiste, le blue-jean reprend son odyssée. Il devient un vêtement transculturel et transcontinental sans autres attributs que le confort et l'élégance. Le label a conquis la planète. Le marché du jeans est un des plus prospères. Plus de 3,5 milliards de jeans sont vendus à travers le monde et la marque Levi's est commercialisée dans plus de 100 pays dont la Chine qui a été jusqu’à tout récemment si hermétique aux produits occidentaux en général et américains en particulier. Les stars de cinéma et du showbiz apprécient les jeans. James Dean, Marlon Brando et Steve McQueen furent les premiers à populariser le blue-jean. Elvis Presley, Jean Gabin, Leo Ferré, Bob Dylan, Clint Eastwood portaient fréquemment des jeans. Les chefs d’Etat endimanchés ou en vacance, les princes et les notabilités s’y s’entaient à l’aise. Les chanteurs français Johnny Hallyday et Renaud ont, non seulement enfilé du jeans, mais ils en ont fait allusion dans plusieurs de leurs chansons. De refrain en refrain, transparaissent les signes in-dissimulables de virilité. Ainsi Renaud dans «Laisse béton» disait avec un accent argotique: «J'étais tranquille, J'étais pénard, Je réparais ma mobylette, Le type a surgi sur l'boul'vard, Sur sa grosse moto super chouette , S'est arrêté l'long du trottoir. Et m'a regardé d'un air bête: «T'as l'même blue-jean Que James Dean. T'arrêtes ta frime. J'parie qu' c'est un vrai Lévis Strauss».
Bouzghiba: Johnny Hallyday interprétant Bye-bye baby prend la parure d’un prédicateur de mode.
Razak: Je vois que vous êtes un amateur de rock’n’roll. Johnny disait dans cette chanson: « La mode: Hé bien pour moi cet été la mode ce sera un pantalon, en l'occurrence un blue-jean. Parce que c'est la tenue idéale pour voyager, pour travailler, pour se déplacer, pour être à l'aise.»
Bouzghiba: Le blue-jean chez les texans est très ornementé et très brodé.
Razak: Chez les anglo-saxons le blue-jean servait surtout à marquer une appartenance sociale et souligner une tendance. Chez les hippies par exemple, le jeans était le vêtement roi. Les soixante-huitards en faisaient une toile body art. Les dessins antimilitaristes fleurissaient sur les pantalons et les vestes en blue-jean. Bruce Springsteen fait d'un LEVI'S 501 le fleuron de la pochette du légendaire "Born in U.S.A.", et David Bowie lui dédie le fameux "Blue Jean". Ils ne sont pas les seuls à apprécier la sobriété de cette toile qui a tout sauf la lisseur de la soie. Souvenez –vous qu’à une certaine époque la «gatifa» anglaise (tissu de coton à trame ondulée et parallèle) tenta de détrôner le jeans mais en vain. Elle n’en récolta que déboires et vicissitudes.
Bouzghiba: Que dire comme mot da la faim?
Razak: Etre à l’aise, voilà le mot-clef. Voilà le secret du succès phénoménal du blue-jean. Pourvu que l’on tombe sur un vrai Levi’s riveté à l’ancienne. Car la contrefaçon continue de faire des siennes en créant un monde parallèle. Actuellement, il y a une multitude de jeans. Les uns allant dans le sillage des premiers jeaneurs, les autres préférant les sentiers non battus avec de la fantaisie en prime. Mais la nostalgie pour les classiques du blue-jean grandit avec le temps. Il est amusant de remarquer que les classiques sont vendus aux enchères comme des raretés dont rêvent les collectionneurs. En effet, en 1998, un jeans original Levi's de 1880 est racheté lors d'une vente aux enchères pour près de 47000 US dollars par Levi's le fabricant initial. En 1999, Christie's NYC proposait trois paires de jeans de Marilyn Monroe et le styliste américain Tommy Hilfiger les obtint pour 37000 US dollars. Britney Spears eut le privilège de s’offrir l’une de ces trois mythiques paires.Au lieu de penser à sa fin, il nous donne de la faim. Qui n’a pas enfilé un «seroual daingri» dans son adolescence ou dans sa vie d’adulte ? Le jeans est vraiment un vêtement à part. Il a épongé la sueur de milliers d’aventuriers et de travailleurs d’usine. Il a servi d’accoutrement pour anars et protestataires. Il a séduit les femmes au galbe bien tracé et sa longévité semble s’inscrire dans l’intemporel, puisque les couturiers du monde entier sentent toujours son pouvoir attractif?
Bouzghiba: Les puristes raffolent des vrais Levi’s mais comment reconnaître un vrai denim sergé?
Razak: D’abord il faut examiner le logo, les rivets et surtout le fameux «E» imprimé sur une petite bande de tissu rouge. Le vrai Levi’s se vend dans des lieux patentés. Il y a des jeans pour hommes et pour femmes. Les jeans pour filles se différencient par leur braguette et les coutures sont plus prononcées. La coupe est ajustée à la taille. La mode est allée jusqu’à imposer des modèles froissés, troués ou déchirés au niveau du genou.
Bouzghiba: A Casablanca on fabrique de bons jeans n’est-ce pas?
Razak: Au Maghreb, on fabrique des jeans de toutes sortes .Ceux qui sont destinés à l’exportation sont plus travaillés. En Tunisie, le jean est fabriqué à Ras Jebel. La toile provient de l’usine italdenim de Milan. Elle est teinte à l’indigo à Francfort en Allemagne. La matière première (le coton) est béninoise. Les jeans de Ras Jebel sont plus proches du standard et sont largement commercialisés en Europe. Ceux de Casablanca sont de qualité contrastée, et l’on constate que les bons jeans casablancais se retrouvent ailleurs que dans les magasins des grossistes d’«El Koreâ» qui approvisionnent les autres villes du Royaume. Un jour j'en ferais un reportage ou un film documentaire si les circonstances me le permettaient.

DARDACHA-15-Yves Klein du judo au monochrome


DARDACHA-15-Yves Klein du judo au monochrome
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CHAT ENTRE LE PERSONNAGE BOUZGHIBA ET SON GENITEUR
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Bouzghiba: Comment un judoka peut-il devenir artiste. Est–ce en exhibant ses "Dan" ou ses dons?
Razak: Les deux à la fois, si on a la chance d’être né comme Yves Klein.
Bouzghiba: Qui était cet artiste sportif ?
Razak: Yves Klein eut une carrière artistique relativement courte, par rapport à celle de Monet ou de Manet, mais l’influence que son œuvre a eue sur l’art moderne, parait aussi déterminante que celles des deux peintres précités. Aujourd’hui, beaucoup d’artistes non européens se réclament de la lignée Klein ou vont dans son sillage. Avec lui, on assiste à une nouvelle fonction de l’artiste: le créateur se confond avec son médium et propose comme «œuvre" des services et des actes «in-collectionnables». Yves Klein fait du bleu outremer une couleur totémique. La sagesse de la tradition mystique Zen lui aurait sans doute montré le chemin vers ce bleu radical inspiré de l’étendue céleste. Spiritualité et matérialité, ont été les deux pôles entre lesquels vacillait sa sensibilité créatrice."Mes tableaux ne sont que les cendres de mon art" disait-il non sans sophisme. Mais comment un judoka (ceinture noire, quatrième dan) me direz-vous a-t-il pu se convertir en artiste et introduire les pulsations musicales dans son art comme prémisse à l’Art Total?
Bouzghiba: Comment, je vous le demande, éclairez-moi, je meure d’envie de le savoir?
Razak: Relax. J’essaie toujours d’être le plus didactique possible avec vous. Comme d’habitude pour faire le topo je commence par une bio express:Yves Klein est né en 1928 à Nice. Son père, Fred Klein, hollandais d'origine indonésienne, est un paysagiste. Sa mère, Marie Raymond, originaire des Alpes-Maritimes, a fait de la peinture informelle. En 1947, y eut lieu la rencontre entre Yves Klein, Claude Pascal (un poète) et Armand Fernandez (un peintre) dans une école de judo à Nice. Devenus amis inséparables, ils voyagent ensemble et admiraient tous trois ce que faisait Van Gogh. Sur la plage de Nice, les trois amis se délectaient picturalement et Klein semblait déjà magnétisé par l‘infiniment bleu:«Alors que j'étais encore un adolescent, en 1946, racontait-il, j'allais signer mon nom de l'autre côté du ciel durant un fantastique voyage "réalistico-imaginaire". Ce jour-là, alors que j'étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver de la haine pour les oiseaux qui volaient de-ci, de-là, dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu'ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres.»Parmi les livres qui ont marqué l’esprit du jeune peintre, il y a La Cosmogonie des Rose-Croix de Max Heindel, qui devient son livre de chevet et ce durant plusieurs années. Vers la fin de 1949, Yves Klein va à Londres, il travaille chez l'encadreur et doreur Robert Savage qui lui apprend un tas de techniques dont la dorure à la feuille d'or. En 1950, les jeunes créateurs baptisèrent leur groupe Triangle. Mais on n’enregistra de ce trio que la volonté farouche de se démarquer. Les grandes choses viendront après.En 1952, Klein voyage au Japon pour parfaire sa culture sportive, spécialité judo. Il passe au pays du soleil levant plusieurs mois. Durant ce séjour, il prépare un livre didactique sur le judo et revient au pays natal avec un 4eme dan. Après Les Fondements du Judo, qu’il publie aux Editions Grasset, deux recueils de monochromes portant sa griffe: «Yves Peintures» et «Haguenault Peintures» seront édités par un atelier espagnol de gravure. En 1955, il eut beaucoup de dépit après que le jury du Salon des Réalités Nouvelles lui a refusé un monochrome orange. Quand il organisa sa première exposition au Club des Solitaires, dans les salons privés des Editions Lacoste. Yves proposa des monochromes de différentes couleurs. Mais la réflexion livrée au public méritait d’être analysée en profondeur, car on y trouve les singes avant-coureurs d’une démarcation d’envergure:«Il y a des nuances douces, méchantes, violentes, majestueuses, vulgaires, calmes, etc. En somme, chaque nuance de chaque couleur est bien une "présence", un être vivant, une force active qui naît et qui meurt après avoir vécu une sorte de drame de la vie des couleurs.»Pierre Restany un critique d’art français qui a grandi à Casablanca, et qui a visité beaucoup d’expositions dans l’espoir de découvrir des talents prometteurs, rencontre Yves Klein au Club des Solitaires. C’est à partir de ce moment que tout a pris de l’ampleur que ce soit pour Klein ou pour Restany.L’intérêt pour la musique bien que tardif lui ouvre des perspectives nouvelles. Quand, par la suite, Klein eut comme collaborateurs de création des instrumentistes, il a cherché à coller à son œuvre une sémantique «sonore» d’essence immatérielle. Les premières «anthropométries» sont nées de cette façon. Il fit une similitude entre le son monocorde et le ton monochrome. Mais en réalité ni l’un, ni l’autre, n’est totalement «mono» car l’homogénéité pigmentaire n’est pas aussi parfaite qu’on le croit. L’addition des résines synthétiques augmente l’adhérence mais rend pâteux l’enduit. Même avec des aquarelles bien dosées, de tels équilibres chromatiques restent aléatoires. Ce qui mérite d’être souligné, à ce sujet, c’est la quête spirituelle dans la matérialité minérale ou synthétique de la couleur. D’ailleurs la psalmodie Zen qu’il aurait entendue dans les monastères bouddhistes n’est-elle pas une suite de sons monocordes? Pour le pratiquant, cette psalmodie est avant tout destinée à fixer l'esprit vagabond et favoriser la concentration. C’est dans les ultimes purifications que l’on peut percevoir le début de Nirvana. Klein aspirait à un nirvana chromatique. Quand il a su que c’était impossible, il s’était mis à faire des œuvres suicidaires, comme le saut dans le vide ou l’usage du lance-flamme à la place pinceau.
Bouzghiba: Lance-flamme, Yves avait de la chance. S’il était dans un pays arabe les sapeurs pompiers l’auraient appréhendé au premier essai pyro-maniaque?
Razak: Toute cette activité bizarroïde trouva le réceptacle idoine en la personne de Pierre Restany. En effet, c’est chez Klein que les membres du groupe des Nouveaux Réalistes ont signé le 27 octobre 1960 la déclaration constitutive de leur mouvement artistique avec la complicité de Pierre Restany. César le célèbre «compresseur» de voitures usagées fit son apparition une année après. Malheureusement, le groupe se dissout en novembre 1970. La plus dadaïste des idées d’Yves Klein reste celle qu’il a donnée en partage en 1959. Il imagina vendre du «vent» à des amateurs, c’est à dire l’air de Paris contre 150 grammes d’or fin qu’il jetait à la Seine.Yves Klein est un des rares peintres à avoir breveté une teinte concoctée avec ses propres mains. An effet, aidé par un chimiste, il découvre un bleu qu’il a fait breveter en 1957 sous le nom de l’IKB (International Klein Blue). Ainsi la rhapsodie du bleu est née. Yves Klein anima la période de l'après-guerre en remettant en question beaucoup d'idées reçues. Ses happenings les plus populaires restent "L'exposition du vide", et les "Anthropométries" qui sont des estompages d’un autre genre: des empreintes ventrales de femmes nues sur des toiles blanches. Le Body-Art dont il est le précurseur ne peut se passer de collaborateurs de création (musiciens et femmes). La musique monocorde sert d’ingrédient d’ambiance spirituelle. Chez Klein, même la couleur a une vie et une mort. N’est–ce pas là les signes latents d’un bouddhiste? Il serait devenu herboriste s’il n’avait pas été judoka-peintre. L'art conceptuel, et le minimalisme lui doivent beaucoup de choses. Malheureusement certains suivistes ayant mal assimilé sa philosophie ont déformé son concept en y’ mettant n’importe quoi, pourvu que cela rapporte de l’argent. Il faut savoir faire la nuance entre art contemporain et l’art «con»-«temporain» assimilé à l’art des farces et attrape-nigauds. Klein est devenu une légende, ses œuvres sont très convoitées par les collectionneurs. Il aurait réalisé de belles choses s'il n'avait pas été emporté, précocement, par une maladie cardiaque le 6 juin 1962. Pierre Restany l’homme à la barbe blanche qui a suivi de plus prés son itinéraire s’éteint lui aussi à l’âge de 72 ans par un arrêt cardiaque.
Bouzghiba: Les farceurs de l’art ont poussé le readymade aux confins du ridicule. Des chats aux pieds enduits de peinture qui piétinent des toiles blanches, un âne qui peint avec sa queue, c’est aussi du body art n’est-ce pas?
Razak: C’est le body art des bêtes. Yves Klein était seigneurial dans sa manière de magnifier le corps humain. La femme-pinceau a plus de grâce qu’un quadrupède qui ne sait pas ce qu’il fait.

mercredi 21 février 2007

DARDACHA-14-Ane, je te salue !



DARDACHA-14-Ane, je te salue !
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CHAT ENTRE LE PERSONNAGE BOUZGHIBA ET SON GENITEUR
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Bouzghiba: Après le chagrin, revenons à la vocation primaire qui nous relie tous les deux à savoir l’humour. Vous avez dit que lorsque le PMU français éternue, les parieurs marocains se mouchent le nez. Y’a t-il un lien nasal entre ces deux entités de turf?
Razak: Les paris sont marocains et les courses sont françaises.
Bouzghiba: Cela veut dire que quand le PMU tombe en panne les turfistes marocains en paient les frais?
Razak: Bien vu. Rappelez-vous que lorsque la vache folle est entrée en scène, le monde des courses hippiques est tombé en déliquescence. Le gouvernement français avait décidé, par le biais de son Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, l’interdiction de toutes les exportations d’espèces sensibles et de suspendre pendant quinze jours tous les mouvements d’animaux en France, afin de contenir l’épizootie de fièvre aphteuse. Mais les remous qu’une telle décision a créés se sont répercutés sur le turf au Maroc. Bien que ce dernier dispose de plusieurs hippodromes (Souissi, Anfa...) le transfert provisoire n’a pas eu lieu car on n’a pas les atouts organisationnels de l’hexagone. Pour la petite anecdote, à l’époque de la vache folle, certaines courses n’ont pu avoir lieu qu’après avoir traité les chevaux et leur paille au grésil et au monoxyde de soude. Pour la première fois de leur histoire, les courses sont devenues, par ce fait, des courses chimiques, car les chevaux en compétition pouvaient réagir différemment au contact du produit chimique utilisé. Une petite égratignure pouvait diminuer des performances de tout étalon. Les chevaux de race pure sont très vulnérables. D’où la série des arrivées biscornues qui a déboussolé plus d’un turfiste, que ce soit au Maroc ou en France.
Bouzghiba: Dans le texte humoristique intitulé «Ane, je te salue!» vous citez Varenne et Ourasi ces deux cracks de courses de trot. Voudriez-vous nous égayer l’humeur avec cet écrit drôlement instructif?
Razak: Tenez, je vous le livre dans son paquet car il se croque avec une certaine délectation comme un ice-cream:«L’éminent professeur Jacques Lacan, dont j’étais un fervent lecteur, durant ma période estudiantine, m’avait inculqué le respect de l’âne. Sous sa férule, les psychanalystes les plus réputés de Paris, dédièrent à cet animal singulier une revue appelée savamment: «L’âne». L’ours de la publication est rehaussé par une jolie gravure d’un ânon. Pour jacques Lacan et ses adeptes, le psychanalyste modèle devrait être une sorte d’âne-à-liste, c’est à dire quelqu’un qui liste les morbidités refoulées dans l’inconscient du sujet, afin de déceler la faille pathologique. Il voulait que l’analyste de la psyché ressemble à l’âne productif et non à l’âne de Buridan, indécis et suicidaire. L’âne lacanien est plutôt un âne magnanime, un quadrupède contemplateur. C’est un âne qui a l’instinctive faculté de savoir écouter, et qui ne se hâte jamais de tirer des conclusions rapides qui ne feraient qu’aggraver la situation.L’âne est apprécié pour sa patience et son endurance. Il a «bon dos» quoique pour dissuader les «donkey’s car» à réduire de leur vitesse, on a installé des ralentisseurs de type «dos-d’âne» dans tous les chemins carrossables de la ville. Son squelette n’est pas charpenté pour pouvoir galoper comme le cheval. Il ne vous donne jamais l’impression qu’il est l’âne qui souffre ou qui en sait trop. Contrairement aux bipèdes vaniteux et extravertis, il ne désire pas s’exhiber, ni dans une émission TV qui fait l’éloge du voyeurisme comme Loft-story, ni «paraître» dans Star-Academy version Equidia, qui consacre les étalons courant plus vite que leur ombre. Il est là pour un destin non encore élucidé et pour une odyssée indéchiffrable, non balisée. Depuis plus de cinq mille ans, il accompagne les hommes dans l’abnégation. Les ânes rouges qui hantaient l’ancienne Egypte, n’étaient pas aussi maléfiques qu’on le pensait. Ce mammifère domestique est bien étrange. Sa démarche silencieuse et sa permissivité ont séduit le fondateur de l’Ecole Freudienne de Paris. Observez comment ce quadrupède reconnaissable pas ses longues oreilles affronte les difficultés de la vie. Il est vraiment superbe. Il n’a rien à voir avec les «Jack l’éventreur» et les «serial killers» de la race chevaline qui, à la moindre fausse caresse, réagissent violemment. Un coup de patte bien dosé, ils mettent KO l’adversaire le plus agile et le plus tenace. Je ne vous parlerais pas des chevaux malins qui se laissent tomber sur leur cavalier, après un saut titanesque. Les hippodromes de sports hippiques en ont vu de plus sanglants et dramatiques. Je respecte l’âne pour ce qu’il est, et non pas pour ce qu’il devrait être. S’il s’émancipe, il deviendra dangereux. Si, par on ne sait quel miracle génétique, il se mettait à galoper, il perdrait beaucoup de supporters. Toutes les créatures qui galopent font peur. Seul, le dressage pourrait réduire de leur agressivité. L’âne n’est jamais pressé et il est très timide. Sa gentillesse proverbiale le rend approchable. On n’a jamais entendu parler qu’un âne s’est laissé écrouler sur son propriétaire. Ce serait trop bête. Mais les chevaux de courses qui veulent faire l’âne, ne récoltent qu’injures et réprimandes. Un tocard reste un tocard, parce que c’est un canasson ayant reçu sa tare génétique par filiation héréditaire. Dopé ou mis eu régime amincissant, il reste un vaurien. Mais un crack n’a pas le droit de décevoir. Seuls, Ourasi et Varenne, qui sont des chevaux exceptionnels, se montrèrent adroits et débouleurs. Ils ont remplis leur contrat hippique en vrais «gentlehorses».Les ânes du journalisme vivent plus longtemps. Ceux de la télévision se la coulent douce parce que les sponsors et les publicistes paient la facture. Leur longévité dépend du degré de soumission vis-à-vis du patron suprême de la boite. Les plus cancres s’apprécient dans la flicaille et la délation.Au cinéma, l’âne n’est pas celui qu’on pense. Certains types de ces équidés ont partagé l’affiche avec des acteurs de renommée mondiale. Ils ont eu la faveur des cinéastes dans des films classiques ou comiques. Parfois, il est utilisé comme simple figurant. On l’a vu guider des convois montagnards ou tirer des charrues mexicaines. Bogart l’eut comme «golden-donkey» transportant des pépites d’or dans le film Le Trésor de la Sierra Madre. Les adaptations cinématographiques du chef d’œuvre de Miguel Cervantès Don Quichotte de la Manche, auraient perdu leur charge satirique, si on avait remplacé le serviteur de Sancho Pansa par un cheval de bonne constitution physique. Luis Buñuel filma un âne agonisant. Il a été attaqué par une nuée de guêpes. Il voulait dire à travers ces images criantes de cruauté, que «Lahmia Taghleb Sbâa» (la meute bat le lion). Dans le cinéma d’animation, Shrek reste un joyau qui a émerveillé tous les mômes qui l’ont vu.Sacré par les uns, méprisé par d’autres, l’âne n’arrête pas de départager les bipèdes. Le plus burlesque est Hmar Jeha (l’âne de Jeha) dont les marocains, grands et petits, connaissent par cœur toutes ses aventures hilarantes. Quant à Hmar Sania, appelé aussi «Hmar Naôura» (l’âne de la Noria) est le plus âne de toute l’espèce. Il doit tournoyer sans interruption pour que l’eau soit pompée à faible coût énergétique. Dans le jargon quotidien, on s’en sert comme d’une métaphore. Ainsi, dans l’administration publique un Hmar Naôura est par définition un fonctionnaire exploité à outrance. Il ne revendique pas. Il se soumet. J’en connais un autre «âne-tourneur» qui n’a rien à voir avec les Derviches Tourneurs de Turquie. Celui-là a créé un miracle dans une des campagnes du Maroc profond. Un âne, laissé en pâture, s’approche d’un pylône de haute tension, et comme il y’ avait des courants de fuite, il s’est mis à tournoyer autour du poteau électrique, n’osant se libérer du cercle vicieux où il s’est introduit malencontreusement. Ce quadrupède malchanceux a failli passer pour un illuminé de la race équine. Car le fquih de la commune rurale où ce phénomène s’est produit, n’eut à faire que réciter des versets coraniques, croyant voir le dernier signe de la Kiyama (l’Apocalypse). Les badauds, ignorant tout de l’électrostatique et des courants parasites, crurent avoir affaire à un diable déguisé en âne. Mais en vérité, notre exorciste mal renseigné devait exorciser son ignorance. S’il était un électricien, il aurait compris le manège. L’intervention des techniciens de la régie a mis fin à cette drôle histoire. Il y a aussi l’âne prétentieux comme celui de l’anecdote «Manaydch, Manaydch» (impossible de me relever). Celui-là est un dégonflé puisqu’il voulait se mesurer à plus robuste que lui, mais quand l’heure du déménagement a sonné, il resta cloué au sol, sous un poids qu’il n’a pas pu soulever. Il y’a aussi l’âne pantouflard et l’âne-métronome. Ce dernier connaît les jours de la semaine, en particulier le jour du souk hebdomadaire. Il se lève tôt et fait du bruit pour réveiller son propriétaire. L’âne de contrebande, quand à lui, est un cas spécial. Son circuit suit le tracé frontalier. Il est très naïf. Il suffit d’un «Arra–Zid» (avance), enregistré dans une cassette audio, pour qu’il se mette à trotter de manière téléguidée. Il ne sait pas les dangers qu’il court, en transportant des marchandises prohibées. Mais il y’ a aussi l’âne sympathique, comme celui que le comique égyptien Ismail Yassine a utilisé comme moyen de transport, pour rejoindre son cabinet de vétérinaire. Mais le plus choyé de tous est l’âne randonneur. La ville touristique Mijas (Andalousie) l’a choisi comme emblème. L’âne randonneur fait bonne presse et gagne sa croûte facilement. Il reçoit rarement des coups, puisqu’il vit au milieu de touristes et il est souvent photographié. On apprécie sa sobriété, mais on fait semblant de ne rien entendre quand il se met à braire.L’âne reste unique en son genre. L’espèce a résisté à la mécanisation. Sa capacité de synthèse métabolique est étonnante (l'âne tire plus d'énergie de la paille qu'un cheval, disent les spécialistes). Cet animal sera toujours utile. Son fumier est excellent pour fertiliser les terres arables. Le tiers-monde ne pourrait jamais se passer de ses services. Au Tibet, il est indispensable pour escalader le Toit du Monde. En Amérique latine, on le voit sillonner la Cordillère des Andes. Pourtant on ne l’a jamais pris tel qu’il est. On est irrespectueux envers ce souffre-douleur. Les fables et les histoires drôles où on le cite comme témoin ou comme acteur potentiel sont indénombrables. Les éditeurs les plus réputés lui ont consacré des monographies ou publié des contes pour enfants: Des Mémoires d'un âne de la comtesse de Ségur, Voyage avec un âne dans les Cévennes de R.L. Stevenson, Mon âne et moi de Juan Ràmon Jirez (Prix Nobel de littérature en 1956), L'âne: histoire, mythe et réalité, Avoir un âne chez soi, Mémoire des ânes et des mulets, Le livre de l’âne, Bien connaître les ânes et les mulets… Cet animal étonnant occupe une place prépondérante dans l’imaginaire de l’homme. En France, l'association «Réunir au pays» organise annuellement sur l'hippodrome de Pompadour «La Journée Nationale de l'âne». En peinture, les orientalistes l’ont immortalisé dans des toiles aux couleurs chatoyantes. L’âne peintre a pu réaliser une toile avec sa queue transformée en pinceau. Les expressions qui font allusion, soit à sa sobriété, soit à sa désinvolture, foisonnement dans toutes les langues de la race humaine. Avec ses yeux attentifs, il est plus humble que le taureau, mais moins ringard et moins rancunier que le chameau. Les expressions et les citations comportant le mot âne sont indénombrables: «Têtu comme un âne», «Du coq-à-l’âne», «Ce n'est pas le singe ou le tigre que je crains dans l'homme, mais l'âne» (William Temple). «Moins vif, moins valeureux, moins beau que le cheval, l'âne est son suppléant et non pas son rival. (Abée Delille), «La nuit est destinée au sommeil, le jour au repos et l'âne au travail» (proverbe afghan). «Ce n'est pas parce qu'on est entouré d'ânes qu'on doit se mettre à braire» (Jean Luc Poma). «Compte plutôt sur ton âne que sur le cheval de ton voisin» (proverbe auvergnat). «La peinture abstraite fait très souvent braire les ânes, se pâmer les poules et bâiller les singes» (René Floriot) «Un âne qui porte sa charge vaut mieux qu'un lion qui dévore les hommes» (proverbe oriental) «Des moutons dirigés par un lion sont plus redoutables que des lions dirigés par un âne» (Douglas Mac Arthur). On se limite à ce petit paquet, mais observons comment les deux dernières citations sont contradictoires. L’une est élogieuse l’autre est d’un ton rabaissant. Mais que savons-nous de cet animal mystérieux? L’on espère qu’un jour les organisateurs du festival du film animalier consacrent une édition spéciale (appuyée par des séminaires) à cet animal fabuleux corvéable à merci et qui a suivi l‘homme dans toutes ses aventures terrestres, avant de se projeter dans un univers féerique où les licornes côtoient les chevaux ailés tels Pégase et Al Borak. J’aimerais clore ce petit essai consacré à l’âne avec ces mots pathétiques signés Drumont Édouard: «Ane, je te salue, éternel porteur de bât, Ane utile, Ane patient, Ane toujours raillé, Ane à l'échine meurtrie, Ane aux longues oreilles, Ane, je te salue…»