dimanche 23 août 2009

Tribunal du goût




On en a ras le bol, les criticaillons de pacotille et les journaleux du remplissage de la panse , plumes buveuses d'encre, gargarisées dans un mimétisme castrateur dopé de relents affairistes, nous sortent chaque fois un vaurien de teinture ou une gribouilleuse copiant maladroitement d'après nature. Contre toute attente, on en fait une sommité de l'art. Les mass medias, au lieu de rectifier le tir salutairement, accentuent ce désordre. La vérité, c'est que pour ces pseudos peintres en mal de renommée, les mots teinturier et teinturière ne leur conviendraient pas, car contrairement à ce qu'on pourrait penser , le teinturier a un savoir faire respectable d'où il tire sa richesse.
Les écrit-tics abondent mais la critique sincère et objective semble proscrite jusqu'à nouvel éveil de conscience.
Aussi, on en a ras le goût de cette peinture "d'absorbage" et d'absorbement qui ne sert qu'à amadouer l'ego hirsute des tenants et aboutissants du pouvoir esthétique. Le tribunal du goût ainsi constitué au fil des sentences a-artistiques a trouvé en ces limiers de l'écriture commanditée des transmetteurs les plus sûrs. Les arts "plat-steak" les font saliver. Pourtant, il existe une multitude d'approches (structuraliste, sociologique, historique, psychanalytique…) pour aborder les œuvres d'art, mais chez ces cancres avérés de la critique, il n'y en a qu'une qui soit mise en exergue: celle qui leur permettrait de gonfler, dans l'impunité et la perversité, leur portefeuille de billets de banque. La situation n'est pas reluisante. On n'est plus à l'époque de la critique de la ressemblance mais dans celle consistant à mesurer les écarts par rapport à celle-ci. Autrefois on voyait en Giotto un artiste perfectionniste et parfait, aujourd'hui la nouvelle critique n'y verrait qu'un techno-artiste (ne pas confondre avec artiste-techno) c'est à dire quelqu'un qui maîtrise bien les techniques du dessin et de la peinture sans aller fouiller comme disait bellement Rilke dans ces "régions fermées à l'entendement". Transcender le réel est plus avantageux que de l'imiter sournoisement. Les surréalistes avaient fondé leur concept sur cette base et ils avaient réussi. Jadis, Diderot avait écrit au sujet de la critique : "Rendre la vertu aimable, le vice odieux, le ridicule saillant, voila le projet de tout honnête homme qui prend la plume, le pinceau , le ciseau."
Aujourd'hui, cette assertion aurait besoin d'un coup de ciseau pour en éliminer les idées archaïques et les plus désuètes. Car l'art, au stade où il est maintenant, n'est pas dans l'accentuation des traits mais dans la transcendance de ce qu'on aime transposer. La critique éveillée et impartiale devrait chercher les soubassements pour de nouvelles approches picturales. Elle devrait distinguer entre l'art comme expression du sentiment et l'art comme "cogitateur" esthétique avec ancrage socioculturel.
On aimerait finir cette réflexion un peu prosaïquement en re-citant Rilke "Les oeuvres d'art sont d'une infinie solitude. Rien n'est pire que la critique pour les aborder. "

RAZAK

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